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Billet de blog 16 septembre 2025

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Thalle de Tatiana Paris

En se laissant aller à faire ce qui lui plaît, sans modèle ou sans chercher à s'inscrire dans un courant à la mode, Tatiana Paris présente une garantie de longévité. Je me réfère toujours à l'exergue de Jean Cocteau au début du chapitre D'une histoire féline du Journal d'un inconnu : "ne pas être admiré, être cru"...

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J'ai reçu le second album de Tatiana Paris il y a plusieurs mois avec une forte envie de le chroniquer, mais comme cela arrive parfois la guitariste avait préféré que j'attende sa sortie officielle (Thalle sort là en numérique sur Carton Records, mais en vinyle avec pochette imprimée en riso seulement le 14 novembre). Cette redécouverte me fait le même effet que la première fois. Le facteur fait tomber d'excellents disques dans ma boîte, mais peu m'inspirent. Que ce soit du jazz, des improvisations, du drone, de la noise, des chansons, je finis par avoir l'impression de les avoir tous déjà entendus. Ils manquent cruellement du risque de déplaire. C'est cette même nécessité du danger qui me laisse actuellement dans un état de transition stationnaire lorsque je rêve de composer quelque chose de nouveau. À moins d'avoir besoin d'assurer fondamentalement sa subsistance ou d'entretenir l'amour de son public, qu'elle qu'en soit la taille, à quoi bon répéter les formules qui ont prouvé leur efficacité ?


En se laissant aller à faire ce qui lui plaît, sans modèle ou sans chercher à s'inscrire dans un courant à la mode, Tatiana Paris présente une garantie de longévité. Je me réfère toujours à l'exergue de Jean Cocteau au début du chapitre D'une histoire féline du Journal d'un inconnu : "ne pas être admiré, être cru". Le disque de Tatiana Paris est d'une sincérité absolue. On pourrait y voir une forme de minimalisme créé avec un bazar d'instruments (guitare préparée, voix, piezos, radio, acousmonium hertzien, synthé modulaire et divers objets), mais c'est simplement une musique tendre, à la fois légère et profonde, une intimité partagée comme une confidence versée dans le creux de l'oreille. Son "thalle" n'est pas sans feuille ni racine comme le sont les lichens, c'est un organisme intègre qui se suffit à lui-même. Les deux plus longues pièces, qui donnent le titre à l'album sont jouées aux grandes orgues par Rachel Langlais, des drones tranquilles qui mettent en valeur les miniatures chuchotées qui les suivent. À l'affût non de ce qui est original, mais personnel, je suis enchanté par cette musique de chambre dont l'épatante proximité transmet une vibration épidermique.


P.S.: il y a deux ans j'avais enregistré l'album Moite en trio avec Tatiana Paris et Violaine Lochu (de longues pièces instantanées carrément incisives !), et chroniqué Gibbon, son premier disque, que j'avais déjà adopté.

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