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Emmener des enfants visiter des musées est toujours surprenant, entre ce que nous pensons épatant et ce qui les attire intimement. Il faut tout de même que je me batte chaque fois pour que la virtualité des vidéos ne prenne pas le pas sur la présence des objets. Même le parcours enfant du Musée de la Musique à la Porte de Pantin où il est nécessaire de porter un casque, une télécommande, un livre-jeu et un crayon noir distrait Eliott qui a sept ans. Nous l'abandonnons rapidement pour ouvrir grands les yeux et les oreilles. Pour lui l'opportunité de gratter quelques cordes, de frapper un immense gong très grave, de jouer du Theremin ou de la batterie électronique enterre la beauté des formes, des marquèteries ou l'ingéniosité des factures.
Heureusement nous admirons la nouvelle présentation du Musée de la Musique où je n'étais pas retourné depuis sa création il y a trente ans. Les instruments du monde sont cette fois intégrés à ceux de l'occident. La visite chronologique, de la fin du XVIe siècle à nos jours, offre un spectacle fabuleux qui tient à la fois de l'histoire des inventions, du savoir-faire des artisans et de la poésie des rêveurs. Eliott est évidemment fasciné par la démesure de certaines pièces comme l'octobasse, des contrebassons et des flûtes immenses qui nécessitent qu'on monte sur un tabouret pour être à leur niveau. Les percussions apparaissent comme plus faciles d'accès, d'autant qu'il a pris des cours de batterie et de gamelan avec Will Guthrie.
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Nicolas Chedmail, dont un spat' est au Musée de Bruxelles, m'explique que les cors omnitoniques n'ont jamais été véritablement joués. Les luthiers s'essaient parfois à des prototypes qui ne seront jamais adoptés par les musiciens. D'autres finissent par envahir toute la musique populaire comme les guitares électriques ou les synthétiseurs. En dehors du studio de Pierre Henry reconstitué au sous-sol, on peut admirer le premier Theremin, la console 116 C du GRM, l'UPIC de Iannis Xenakis, l’ordinateur 4X développé par l’Ircam, le premier Moog, mon vieil ARP 2600, etc. Dans les étages inférieurs on appréciera les collections de clavecins, de harpes, de cordes, de vents, de bois et de percussions. Dimanche une claveciniste faisait d'ailleurs la démonstration in vivo de son instrument. Le musée recèle plus de 9000 instruments.
La différence fondamentale avec ma petite collection ou celle, plus incroyable, de mon camarade Sacha Gattino, c'est que les nôtres sont joués. Je me souviens de mon chagrin lors de l'après-midi passé dans le gigantesque cylindre du Quai Branly en compagnie de l'ethnomusicologue Madeleine Leclair où je n'étais pas autorisé à faire sonner grand chose malgré quelques transgressions ! C'est le paradoxe de tels musées, car, comme les colliers de perles, les instruments de musique doivent être joués pour rester en vie. Quelques uns sont utilisés malgré tout, mais rarement. À la Cité de la Musique on en prend plein les yeux, mais les oreilles sont bridées, malgré les nombreux dispositifs qui fonctionnent comme des leurres.
Les nombreux prototypes inventés par des savants fous sont également absents de la plupart des musées de la musique du monde, que ce soit la clarinette à coulisse acquise Place des Vosges chez le Boucher, le percuphone de Patrice Moullet, le daxophone de Hans Reichel, les créations en PVC de Nicolas Bras, l'orchestre de Harry Partch, l'orgue à feu, la trompette à anche de Bernard Vitet, les jouets électroniques customisés, etc. Et pourquoi pas la meute de cent lapins connectés de notre opéra Nabaz'mob !