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Billet de blog 19 septembre 2025

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Café Flesh et Dr Caligari

J'ignorais tout du cinéma de l'Américain Stephen Sayadian lorsque j'ai lancé Café Flesh, son film tourné en 1980, avant-garde pornographique dystopique et kitchissime. De même son Dr Caligari de 1989 est plutôt une pochade psychédélique. Ajoutez The Sluts and Goddesses Video Workshop – Or How To Be A Sex Goddess in 101 Easy Steps d'Annie Sprinkle...

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Illustration 1

J'ignorais tout du cinéma de l'Américain Stephen Sayadian lorsque j'ai lancé Café Flesh, son film tourné en 1980. Sur la jaquette du DVD, Carlotta annonce un "véritable OVNI cinématographique orchestrant une orgie aussi délirante que jouissive entre les performances ritualisées du Cabaret de Bob Fosse et l’humour subversif d’un John Waters ou l’univers troublant et capiteux de David Lynch". Il aurait même suscité l’enthousiasme de Frank Zappa à Hunter S. Thompson et Bertrand Mandico, de quoi exciter ma curiosité. J'assistai donc médusé à la projection d'un film explicitement pornographique, d'une époque où le X avait déjà été promulgué en France depuis cinq ans. En 1975 Jean-Luc Godard avait d'ailleurs regretté qu'il n'y aurait plus dorénavant que des films qui se passeraient au-dessus ou en dessous de la ceinture, ce qui condamnerait le genre à glisser lamentablement vers le gonzo et la banalité la plus trash pour des raisons économiques. Les films pornos avec scénario avaient connu leurs heures de gloire avec Derrière la porte verte, Le sexe qui parle, Deep Throat, The Devil in Miss Jones, les Vixen et autres films qui figuraient dans l'enfer VHS de mon père !


L'argument de science-fiction dystopique de Café Flesh donne tout son piment à la chose : "Après l'apocalypse nucléaire, l'humanité est partagée en deux groupes : les « positifs » qui ont conservé la faculté de faire l'amour et la grande majorité des « négatifs » qui sont devenus impuissants. Pour accéder à un succédané de plaisir, ces derniers n'ont plus d'alternative que de regarder les « positifs » se donner en spectacle sur des scènes de théâtre telles que celle du Café Flesh." Les situations incroyables, comme il en existait probablement dans les spectacles érotiques de la capitale (j'ignore si c'est toujours en vigueur) faisant la promotion dans Pariscope, par exemple, d'un couple faisant l'amour dans un filet au-dessus du public, sont quasiment surréalistes avec un humour décapant que le maître de cérémonie remarquablement interprété par Andy Nichols (Max Mélodramatique) excite avec cruauté. C'est drôle, cru et évidemment totalement kitsch. De quoi me donner envie de regarder l'autre film de Sayadian que sort en même temps Carlotta, Dr Caligari (1989), présenté comme un "film d'horreur érotique d'avant-garde".

Illustration 3

Ces qualificatifs promotionnels me semblent là aussi à côté de la plaque. Dr Caligari (1989) est plutôt une pochade psychédélique dont les dialogues de Jerry Stahl ressemblent aux chansons graveleuses de Frank Zappa seconde période des Mothers of Invention (1970-72 avec Mark Volman & Howard Kaylan, cf. son film 200 Motels). Rien d'étonnant à ce qu'il encense ce drôle de truc ! La référence au film culte de Robert Wiene est évidemment un prétexte. Les décors pop et la musique de Mitchell Froom participent au délire d'un asile psychiatrique décalé, petit théâtre de la cruauté dont les personnages sont stylisés. Il faut être très perché pour y ressentir le moindre érotisme ou les frissons d'un film d'épouvante. On est plus proche d'élucubrations psychotropiques.


→ Stephen Sayadian, Café Flesh, édition Prestige Limitée UHD + Blu-ray + Memorabilia Carlotta, 35€ (avec denombreux entretiens sur le disque, plus un petit livre de 40 pages écrit par Lelo Jimmy Batista, un livret collectif exclusif de 44 pages, un jeu de 8 lobby cards, une planche de 7 autocollants et l'affiche, soit de quoi ravir tous les fétichistes !)
→ Stephen Sayadian, Dr Caligari, 4K UHD ou Blu-Ray Carlotta, 25€, avec toujours autant d'entretiens passionnants en suppléments

Illustration 6

P.S.: La même semaine, en cherchant un film mis en musique par Pauline Oliveros (accordéon et jazzo-flûtes !), je tombe par hasard sur The Sluts and Goddesses Video Workshop – Or How To Be A Sex Goddess in 101 Easy Steps d'Annie Sprinkle et Maria Beatty. Décidément, ma cinéphilie est bien lacunaire, et j'en reste comme deux ronds de flan en regardant ce brûlot féministe, aussi trash que Café Flesh, expliquant comment jouir entre filles avec un humour décapant et des effets vidéo kitchissimes encore en vogue en 1989/90.

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