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Nous avançons lentement, mais sûrement, sur notre projet en hommage à Philip K. Dick entrepris il y a deux ou trois ans, je ne sais plus. Sans obligation, j'ai perdu mes repères. Dick est une idée de Francis Gorgé. L'écrivain et poète Dominique Meens, qui s'en est inspiré en prenant le large, nous a envoyé ses textes en amont. Francis et moi les enregistrerons avec lui après avoir terminé toute la musique. C'est copieux. Notre album est vraiment un disque d'Un Drame Musical Instantané, composé comme dans le temps, dans le temps où nous étions tous les trois avec Bernard Vitet, fondamentalement expérimentaux, et donc hétérogènes. Le plaisir de travailler ensemble avec Francis est le même que lorsque nous nous sommes rencontrés en 1969, et surtout durant la période où nous composions à trois de 1976 à 1992. Je retrouve également la complicité de la recherche au jour le jour, chaque piste entraînant une nouvelle réflexion critique. L'un et l'autre sommes ouverts à toutes les propositions, aux essais les plus bizarres. Tout est permis. J'imagine que nos incompétences nous obligent à inventer sans cesse. Pourtant ce nouvel album a des accents rock (rythmiques d'enfer quasi beefheratiennes), jazz (ça swingue, si, si), de musique classique et contemporaine, d'évocations radiophoniques ou cinématographiques. En ce sens les citations explicites de Richard Strauss, Maurice Ravel, Claude Debussy, Charles Mingus ou Thelonious Monk paraîtront couler de source, quitte à leur tordre parfois un peu le cou. Ici ou là j'insère les pas d'un centaure, les ruines de la désolation, les rires d'un barjo, le chant des étoiles. Les titres des pièces sont quasi éponymes des romans de Dick. Nous pensons en être à la moitié du travail. Programmant, enregistrant, nous exerçant chacun chez soi, nous avançons très vite lorsque nous sommes ensemble dans le studio. La première prise est souvent la bonne. Si la seconde ne fonctionne pas, c'est que nous n'avons pas pris le bon chemin. L'expérience n'est jamais mauvaise, il faut bien essayer des choses qui peuvent sembler incongrues à l'un ou à l'autre. La composition obéit aux mêmes lois de l'intuition que l'improvisation. C'est plutôt en hors-la-loi que nous jouons de ces temporalités. On remet sans cesse l'ouvrage sur le métier pour en être finalement satisfaits. Entre temps il faut avancer sans se laisser corrompre par la moindre déception. C'est d'elle que nous tirons nos meilleurs idées. L'ordre et le mixage seront décisifs, mais d'ici là il faudra secouer l'arbre pour que tombent les fruits trop mûrs et ajouter quelques épices exotiques pour favoriser l'émulsion.