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Billet de blog 28 octobre 2025

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Les effets de bord providentiels de l'I.A.

L'Intelligence Artificielle est une révolution dont on ne connaît pas encore véritablement les effets sur l'humanité. Internet et les téléphones portables ont déjà totalement transformé les usages de toutes les populations. C'est une nouvelle église, le culte du robot suprême. Mais à l'I.A. j'opposerai, par exemple, l'A.I. pour l'Acte Instinctif ou l'Affranchi Indépendant...

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Soyons clair, l'Intelligence Artificielle est une révolution dont on ne connaît pas encore véritablement les effets sur l'humanité. Internet et les téléphones portables ont déjà totalement transformé les usages de toutes les populations. D'un côté je croise des enfants de trois ans qui naviguent sans contrôle sur leur smartphone, de l'autre les migrants ne sont plus isolés dans leur douloureuse errance de pays en pays. D'un côté je vois des adolescents rivés à leur écran, de l'autre des personnes qui vivent dans des contrées reculées retrouvent un lien avec l'extérieur. Mais on voit bien que l'I.A. à la solde des médias possédés par les puissants de la planète sont de nouveaux outils de manipulation considérablement plus dangereux que tout ce qui les a précédés. Les citoyens ne pouvaient déjà plus faire confiance aux informations qui leur sont imposées. Les deepfakes n'arrangent rien. Ce n'est pas nouveau, le roman national existe depuis des siècles, les croyances les plus absurdes animent la majorité de la planète. L'I.A. ne va vraiment rien arranger ! C'est une nouvelle église, le culte du robot suprême. Le fantasme des machines prenant le pouvoir me semble pourtant relever de fictions dystopiques qui ne prennent pas en compte le fait que ces algorithmes sont programmés par des humains. La puissance de calcul des ordinateurs qui les portent est certes époustouflante, mais il ne s'agit en l'état que de simulation. Le terme intelligence est absolument galvaudé. Alors considérons cette technologie comme un outil dont l'usage peut être providentiel ou pernicieux, selon qui et comment on l'utilise.


À l'I.A. j'opposerai, par exemple, l'A.I. pour l'Acte Instinctif ou l'Affranchi Indépendant ! D'un côté l'I.A. est un système s'appuyant sur l'accumulation de données en flux continu récupérées sur la Toile, ce qui tend au formatage et à la banalisation. De l'autre, l'A.I. valorise le geste instantané, l'oral, la rupture, une action impossible à reproduire. C'est une force libre, détachée des scripts, qui échappe au contrôle et au dressage des algorithmes. Elle affirme la singularité du geste, l’irréductibilité du présent, elle agit comme une révolte vitale là où l’I.A. calcule de façon mortifère et joue sur la répétition. À l’intelligence artificielle des machines, s’oppose la voix, le corps, le souffle. Les expressions marginales, en particulier dans le monde des arts, pourraient bénéficier de l'avènement de l'IA qui banalise les expressions en s'appuyant sur une sorte d'audimat des informations, le règne des statistiques. D'un côté nous aurions un formatage des consciences plus puissant que jamais, de l'autre l'évidence d'une résistance où la marginalité ferait toute la différence. Le spectacle vivant, le théâtre, la danse, l'improvisation musicale, par exemple, prendraient tout leur sens. C'est encore le combat de l'idée contre la matière, Moïse et Aaron, ou celui de la vie contre la mort, l'imprévisible absolu contre la mise en forme la plus adaptée. Dans un monde saturé de simulacres, l’imperfection devient signe de vie. L’intonation, la maladresse, le silence ou la rature prennent une valeur nouvelle, celle de l’irréductibilité. Errare humanum est, c'est la glorification merveilleuse de l'humain. L’I.A. est donc peut-être une chance à saisir pour les marges : en nivelant les styles, elle révèle ce qui résiste au nivellement. Quand tout est produit par calcul, le geste non calculé devient révolutionnaire. Car c’est peut-être là, en réaction à la banalisation généralisée, que naît la possibilité d’un art neuf : un art du dérapage, du déséquilibre, du non-formaté, du vivant enfin retrouvé.


J'ai copié dans GPT ce texte que je venais d'écrire. Il n'a rien trouvé de mieux que de me proposer une mise en page avec un travail typographique, par exemple des respirations visuelles, des contrastes entre majuscules et bas de casse, un jeu sur les rythmes du texte ! Tout cela relève d'un empêchement de réfléchir par soi-même, une négation de la sérendipité qui a abouti à tant de grandes découvertes, un rejet du changement d'angle permettant un point de vue inédit. Si le rôle de l'art est la construction de nouveaux mondes pour échapper à celui qu'on nous impose et qui nous est insupportable, il faudra bien trouver de nouvelles formes de lutte contre l'uniformisation mortifère de l'I.A. Hélas, aucun système global ne pouvant fonctionner sans ses contradicteurs, c'est malgré tout grâce à la résistance que la misère peut perdurer. Cela laisse aux plus fragiles et aux plus courageux un espace de liberté que rien ne peut non plus altérer ou empêcher.


P.S.: si vous êtes intéressé par l'I.A., en particulier d'un point de vue graphique, regardez la remarquable conférence d'Étienne Mineur à l'PSAA, l'école de communication visuelle de la Ville de Paris.

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