
J'ai beau avoir été un féru Père-Lachaisien, j'ai adoré la Bal[l]ade poétique de Frédéric Giner de samedi après-midi. Ayant habité treize ans en face de la bouche de métro et de la petite entrée place Auguste Métivier, j'y promenais régulièrement ma fille enfant. Depuis mes dernières visites, de nouveaux pensionnaires sont venus rejoindre les anciens, mais la promenade thématique fut absolument délicieuse, d'abord parce que ce début d'automne se prête merveilleusement à l'exercice, ensuite grâce aux commentaires de Fred et d'une historienne dont la culture générale apporta de nombreux détails passionnants que j'ignorais. Baudelairien, notre guide avait trouvé des références au poète enterré à Montparnasse, mais il put réciter en situation Musset, Nerval, Anna de Noailles ou Apollinaire. Ailleurs des citations gravées dans la pierre ou le marbre livrèrent Hugo, Rimbaud, La Fontaine, Villon ou Brassens. Nous y passâmes près de quatre heures sans que nous sentions le temps passer. Dans ce lieu, l'un des plus magiques de Paris, cette promenade parmi les arbres et les oiseaux arrêta ce temps, métavers du réel ou sandwich quantique où toutes les siècles sont de la même époque. L'invitation au voyage me rappela évidemment comment Bernard Vitet chantait Henri Duparc avec Un drame musical instantané. Pour Bashung, Fred avait choisi La nuit je mens, mais je pensais à Résidents de la république. À côté de lui, devant la sépulture de Higelin, comment oublier la terreur que celui-ci m'inspirait lorsque j'avais cinq ans, mon père lui ayant fourni son premier rôle, un peau-rouge hurlant, dans la comédie musicale New Orleans qu'il avait produite. Pourquoi l'Épitaphe de Nerval me fit étonnamment penser à Bobby Lapointe ? C'est vrai que les poètes me font souvent plus d'effet chantés que dits. Prévert et Kosma ou Aragon et Ferré restent pour moi des références. Quant à la musique de Brassens, les versions instrumentales de Jean-Claude Vannier m'ont fait comprendre son génie harmonique en plus de ses vers incroyables. Plus tard nous avons d'ailleurs terminé la soirée en chansons après que Manu ait joué trois valses manouches à la guitare. Balade ma ballade (c'est le titre d'une chanson que j'avais écrite avec Bernard et qu'interpréta en 1998 la Japonaise Makiko Sakurai !)... Ce saute-moutons littéraire parmi les tombes facilita notre entrée vers l'automne, période propice à la poésie. Et Marie-Jo de citer Virgile : sit tibi terra levis !