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chercheur indépendant, écrivain, inspecteur de l'Education nationale honoraire, ancien chargé de cours à l'Université de Poitiers

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Billet de blog 31 août 2025

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Mercredi 27 août 2025

La France surendettée : la belle affaire ! Ça dure depuis au moins 50 ans mais aujourd’hui peut-être sommes-nous arrivés au niveau de l’impossibilité de rembourser. C’est ce qu’assène François Bayrou qui en professeur qu’il ne fut que pendant très peu de temps, avance l’exemple du budget familial pour faire comprendre le sujet aux pauvres pommes — idiots, naïfs jusqu’à la moelle que nous serions. Mais, les finances, donc le budget, d’un État n’a rien de vraiment comparable avec ceux d’une famille voire d’une entreprise, encore que pour cette dernière l’endettement peut être un « jeu » économique. Il s’agit surtout pour le tandem Macron-Bayrou de faire peur au bon peuple pour que, dans un vaste mouvement de soumission volontaire, il accepte tout, surtout l’inacceptable.

Bon, tout le monde est d’accord pour reconnaître que la dette de la France est quasi abyssale, alors à quoi bon soumettre à un vote de l’Assemblée nationale la confirmation de ce que tout le monde reconnaît sinon à organiser un plébiscite ? La question posée vaut son pesant d’or : « est-ce que tout le monde est d’accord pour reconnaître qu’il y a urgence ». Le journal Le Monde titrait (le 27 août 2025) à juste titre : « La France surendettée, le faux débat qui cache les fractures », et d’expliquer : « En réalité, l’acuité des difficultés financières ne fait plus guère débat. Les erreurs de prévision de Bercy, le violent dérapage du déficit public en 2023 et 2024, l’inexorable hausse de l’endettement trimestre après trimestre, l’attente angoissée du verdict des agences de notation, les messages à répétition de François Bayrou, tout cela a hissé la dette parmi les principales préoccupations des Français, selon les enquêtes d’opinion. »

Ce n’est sans doute pas tant la dette qui inquiète que les conséquences du vote de confiance voulu par François Bayrou qui a atteint, d’après un sondage IPSOS-BVA des 27 et 28 août, un record d’impopularité : seuls 19 % des Français ont une bonne opinion de lui (-1 point), contre 81 % qui en ont une mauvaise opinion (et même 43 % une très mauvaise opinion). Comment les Français pourraient-ils faire confiance à un Premier ministre qui a menti dans une affaire de pédophilie et de violence sur enfants, qui est sous le coup d’un procès pour détournement de fonds dans une affaire « d’assistants parlementaires européens », qui fait rétablir contre la loi la ligne d’aviation Paris-Pau largement déficitaire qui donc sera entretenue par l’État, qui quitte Paris un jour de crise pour rejoindre en avion Pau et siéger au conseil municipal, qui fait rénover son bureau de maire à hauteur de 40 000 €… Pour autant les gens n’aiment ni l’instabilité ni l’incertitude et seraient prêts à conserver une « nouille menteuse » au pouvoir plutôt que d’être dans l’incertitude du lendemain comme si le lendemain était toujours assuré. Le sondage IPSOS-BVA nous apprend que les Français inquiets des conséquences d’un vote négatif de la « confiance » ne sont que 41 % et que 35 % expriment de la satisfaction à cette idée « tandis qu’un Français sur six affiche une indifférence royale sur le sujet (16 %, stable) ce qui n’est pas rien si l’on agrège les 8 % qui ne se prononcent pas : soit au total un Français sur quatre chez qui la situation politique ne suscite aucune réaction ». Donc Bayrou a beau faire peur avec le risque que la France soit sous tutelle du FMI (ce que peu de gens comprennent vraiment, et il faudrait que la France soit contrainte d’emprunter au FMI qui ne s’autosaisit pas des « affaires »), que nos enfants payent les reliquats de la dette d’aujourd’hui (ça a toujours été le cas), le citoyen moyen s’en contrefout ; ce qui lui importe ce sont les remèdes que propose Bayrou et, là, c’est une autre chanson : rien ne convient aux gens qui sentent trop qu’une fois encore que les responsables de la dette veulent leur faire les poches… Les Français attendent que les partis politiques de l’opposition renvoient Bayrou dans son Béarn natal. Il y a fort à parier que ceux qui voteront la confiance au Béarnais seront en difficulté lors des prochains scrutins y compris pour les élections municipales, les Français n’accepteront pas que le parti socialiste qui s’est copieusement fait entuber sur l’affaire des retraites conforte Bayrou à Matignon… De la même façon les électeurs ne supporteraient pas que le RN ne tienne pas sa ligne de soutien « populaire » aux moins favorisés de la société comme il l’a promis.

Face aux citoyens ordinaires s’élève le patronat notamment sous la bannière du MEDEF qui attache beaucoup d’importance au maintien de Bayrou en poste, pas tant qu’il « l’aimerait » mais parce que son départ, disent les patrons, ouvrirait une période d’incertitude et que les patrons n’aiment pas l’incertitude. Ils ne philosophent pas sur cette crainte quand elle concerne des salariés (licenciement, multiplication des contrats précaires…, pour eux le salarié est réputé capable de surmonter toute période d’incertitude dans la joie et la bonne humeur !

Ainsi, que disent nos divins patrons ? Le Monde du 29 août rapporte les propos d’un monsieur Stanislas Lacroix qui dirige une entreprise de 1800 salariés : « si les hommes politiques pouvaient penser à la France plutôt qu’à leur pomme cela ferait du bien » ; de quelle France parle-t-il : la sienne ou de celle « d’en bas », celle des besogneux sans qui son entreprise ne fonctionnerait pas, le ménage ne serait pas fait dans son manoir, ses enfants n’auraient pas d’école… C’est bien parce qu’ils, toutes tendances confondues, qu’ils pensent à la France et aux Français que les politiciens adoptent ces postures politiques. Après avoir dit cela, on peut analyser la posture et le discours de chacun pour choisir son camp. C’est bien parce qu’ils s’occupent de la France et de ses forces vivent que les partis d’opposition s’opposent au budget Bayrou, pour protéger les plus humbles. Comment peut-on encore accepter le discours de Bayrou et de ses affidés sur les retraités, les malades, les chômeurs ? Au nom de quel principe politique ou philosophique ces partis devraient-ils s’entendre a priori avec ceux qui soutiennent Bayrou ou et le patronat ? Serait-ce au nom d’un hypothétique état de sérénité, de la volonté de plonger le pays dans une véritable ataraxie qui permettrait aux tenants du pouvoir politique comme économique « d’esclavagiser » un peu plus encore les humbles ?

Alors le président du MEDEF, dans un incroyable périple médiatique, reprend son antienne apparue dès 2024, ou plutôt l’assène, suivant laquelle il ne faut pas « jouer avec l’économie »[1]. Mais il peut jouer avec nos vies, notre pouvoir d’achat, nos droits à la santé et au repos… Et, l’économie n’est-elle pas essentiellement un jeu, une suite de paris ? C’est un autre débat dans lequel il faudra d’abord s’entendre sur ce qu’est « un jeu » dans une société.

[1] Patrick Martin, président du Medef : « On ne joue pas avec l’économie », L’Informateur Judiciaire, 04/02/2025

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