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Billet de blog 19 février 2015

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L''UMP exploite sans vergogne le filon de l'insécurité: mais qu'a-t-il à dire?

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Mon intervention le 13 février 2015 à la Région Ile-de-France sur la niche "sécurité" de l'UMPUne actualité dramatique - et les attentats de janvier dernier le sont, assurément - et la machine à instrumentaliser de l'UMP se déchaîne. Feu sur la majorité régionale, qui serait sourde aux angoisses des franciliens, sans être trop regardant sur les arguments invoqués! Agitez la peur, agitez la peur, il en restera toujours quelques chose!D'abord, une représentation tendancieuse et malhonnête de l'action de la Région, qui aurait baissé la garde.Mais cela ne vous suffit pas, il faut noircir le tableau. Voilà donc des données chiffrées – et donc forcément incontestables. Le problème, c'est que ces chiffres ne prouvent rien. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'ONDRP lui-même, dans l'avertissement à son bulletin de janvier 2015. Je cite: « Le souhait légitime de disposer d'un bilan de la délinquance pour l'année 2014 qui vient de s'achever ne devrait pas conduire inéluctablement à utiliser dès janvier 2015 les chiffres sur les faits constatés par la police et la gendarmerie ». Et il ajoute « le bilan de la délinquance en 2014, pour ce qui est des vols, des violences et des autres atteintes aux personnes ou à leurs biens subies par les habitants de la France métropolitaine ne peut pas effectué maintenant », en l'absence d'enquête de victimation, dont la dernière date de 2013.Et quand bien même ces chiffres auraient été exacts, vous omettez de citer celui relatif aux vols avec violence, qui baisse de 9,4% - il est vrai qu'il ne s'accorde pas bien avec votre prétendue démonstration.Ce que vous faites, cela s'appelle de la manipulation.Venons-en aux solutions que vous préconisez. Elles tiennent en un mot: la vidéosurveillance partout! Et vous dites que vous avez voulu « dépasser les clivages idéologiques »!Je ne m'étendrai pas beaucoup sur le secteur des transports, qui a déjà fait l'objet d'un débat tout à l'heure à partir du rapport du Comité de prévention et de sécurité dans les transports franciliens, dans lequel vous n'avez brillé, ni par votre présence, ni par vos propositions, préférant vous réserver pour la critique. A un travail approfondi, concerté avec les acteurs, étayé par des études et des données incontestables, qui aurait pu permettre au moins un diagnostic partagé, sinon des réponses communes, vous avez préféré reprendre votre éternel discours. Vous vous dites « pragmatiques », mais où est l'« analyse concrète d'une situation concrète »? C'est votre choix, la campagne des régionales a déjà commencé.Dans les transports, tout le monde s'entend pour dire que la vraie solution pour améliorer la prévention et réduire le sentiment d'insécurité, c'est la présence humaine, et le CSE a fait de nombreuses propositions dans ce sens. Mais sans doute la prévention n'est-elle pas votre souci majeur. Vous évoquez aussi le fait que l'État aurait retiré 300 policiers de la protection des transports franciliens – d'où tenez-vous ces chiffres? Ce que je sais, c'est qu'une partie des forces de la Brigade des réseaux ferrés a été récemment redéployée, afin de pouvoir intervenir aussi en grande couronne. En revanche, je sais, nous savons tous, quel est le Président qui a supprimé 12.000 postes de policiers sous son quinquennat.Même position idéologique pour les lycées. Voilà que vous faites injonction aux proviseurs et aux équipes éducatives d'installer des caméras dans leur établissement, et demandez à la Région de faire une liste des récalcitrants, sans même estimer qu'ils pourraient eux-mêmes définir les solutions les plus adaptées. Cela rappelle les orientations du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) sous la droite, où 75% des financements devaient aller à la vidéosurveillance et où les préfets avaient mandat d'imposer ce choix aux élus, sous peine de ne pas avoir d'autres financements. Chaque école deviendrait un « bunker », fermé sur l'extérieur. Quelle vision de société pour nos enfants! J'ajoute, sans le développer ici, que l'essentiel de la violence à l'école – 90% des faits graves – se trouve à l'intérieur de l'établissement, et cela seul l'humain peut le traiter - je renvoie aux travaux d'Eric Debarbieux, une autorité en la matière aujourd'hui délégué interministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. Alors, est-ce que demain il faudra installer des caméras dans les couloirs, dans les cours de récréations, voire dans les salles de classe? Belle pédagogie pour apprendre le vivre ensemble!Je ne reviendrai pas ici sur la sécurisation des petits commerces, qui a déjà fait l'objet d'un débat en 2013.Savez-vous qu'au moment même où vous faites ces propositions, le Royaume Uni, votre modèle, après avoir installé des caméras à grande échelle, est en train de revoir sa politique – certaines collectivités démontent même des caméras – devant le coût prohibitif qui pèse sur les finances publiques, au regard du bénéfice des dispositifs. En France, la Cour des Comptes ne dit pas autre chose. Alors, choix pragmatique ou idéologique?Enfin, le gage financier que vous proposez pour financer vos actions - la suppression de la réduction de 75% dans les transports pour les étrangers en situation irrégulière – est digne du FN et, concurrence aidant, nous ne serions pas étonnés de vous voir demain demander la suppression de l'aide médicale de l'État (AME) pour ces mêmes personnes.Non, décidément, nous ne partageons pas les mêmes valeurs. Une société de surveillance et d'exclusion, c'est le monde de Big Brother, ce n'est pas celui que nous voulons léguer à nos enfants. Ce n'est pas notre vision de la France.Vous ne serez pas surpris que le groupe EELV vote contre votre rapport.

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