(intervention au Conseil régional d'Ile-de-France le 20 juin 2014)
Par ce voeu, le groupe EELV souhaite appeler l'attention de notre assemblée sur l'urgence pour notre Région de redéfinir sa politique en faveur des quartiers populaires, en relation avec la réforme de la politique de la ville décidée par le gouvernement .
Je ne reviendrai pas sur les difficultés insupportables que vivent, au quotidien, les habitantes et les habitants de ces quartiers. Les rapports annuels de l'ONZUS, derrière l'abstraction des chiffres, n'en donnent qu'un faible écho. Car derrière la pauvreté et le chômage, les populations de ces quartiers souffrent aussi du manque de considération et de respect, de discriminations, voire de stigmatisation, et leur jeunesse constate trop souvent le décalage entre la promesse républicaine inscrite aux frontons de leurs écoles, et leur réalité. Dans les révoltes et les cahiers de doléances de 2005, comme dans les propositions des collectifs citoyens d'aujourd'hui – dans lesquels les femmes jouent souvent un rôle majeur, c'est toujours ce même message adressé à la société et aux politiques, et il nous faut l'entendre. Car le pire, c'est lorsque la parole s'arrête et que s'installe le silence de l'abstention.
La réforme de la politique de la ville initiée par François Lamy ouvre des perspectives, par son discours positif sur les quartiers populaires. La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 a fixé le cadre de la nouvelle politique de la ville, et nous connaissons aujourd'hui la géographie prioritaire. Certes, tout n'est pas réglé, mais le champ des possibles s'est ouvert, et la Région Ile-de-France doit s'en saisir.
Le cadre d'action de notre politique régionale a été fixé en mars 2007 par deux rapports-cadres, le premier concerne le renouvellement urbain, le second l'animation sociale des quartiers. Cette politique s'est poursuivie et a été reconduite d'année en année depuis le début de cette mandature, dans l'attente de la révision annoncée par les gouvernements de droite mais qui n'est pas venue, ce n'était pas leur priorité. Cela n'a certes pas empêché la Région de développer des politiques intéressant au premier chef les quartiers populaires et leurs habitant/es. Je ne vais pas les énumérer ici, elles sont assez nombreuses, je citerai dernièrement l'appel à projets citoyens sur la participation des habitant/es à la politique de la ville, directement inspiré du rapport Bacqué-Mechmache. Pour autant, l'action de la Région en direction de ces quartiers reste peu lisible, dispersée qu'elle est entre plusieurs délégations et toutes sortes de dispositifs de droit commun critérisés ou intégrant sous des formes diverses des objectifs d'égalité territoriale.
Il est temps de changer de braquet, et cela pour plusieurs raisons.
La première découle du nouveau cadre défini par l'État. La Région doit se situer par rapport aux futurs contrats de ville, dont certains sont déjà en cours d'élaboration. Elle doit décider de se caler, ou pas, dans la nouvelle géographie prioritaire, identifier les politiques de droit commun qu'elle est prête à contractualiser et les objectifs qu'elle veut porter; décider si, au-delà du droit commun, elle conserve une politique spécifique et comment elle entend la conduire. Elle doit intégrer le calendrier prévu pour la conclusion de ces contrats, sous peine d'arriver après coup.
Mais ce n'est pas tout.
On a beaucoup reproché à la politique de la ville de s'être transformée au fil des années en une somme de dispositifs et d'avoir sombré dans la gestion, conduisant à dé-politiser des débats, cantonnés sur les moyens plutôt que sur les problèmes à traiter et les finalités de l'action. La participation des habitant/es – voire la co-production des politiques, qui est dans doute l'axe le plus novateur de cette réforme de la politique de la ville, si elle est réellement mise en oeuvre – n'est pas seulement une exigence démocratique, le signe que nous reconnaissons leur capacité créatrice et que nous les considérons désormais comme des acteurs à part entière des territoires, c'est aussi une façon de renforcer la pertinence de ces politiques et un puissant moteur pour transformer l'action publique. C'est la raison pour laquelle figure en premier point du voeu l'instauration auprès du Conseil régional d'une instance permanente de dialogue, « l'Assemblée des quartiers populaires de la région Ile-de-France » et de propositions, qu'il conviendrait de mettre en place rapidement.
Créer cette instance, c'est aussi un message fort de la Région à l'adresse des habitant/es des quartiers populaires, au moment où va se mettre en place une réforme territoriale dont les contours ne nous sont pas encore totalement connus. Mais ce dont nous sommes sûrs, c'est que notre Région pèsera d'autant plus dans la future architecture institutionnelle qu'elle aura su rendre son action plus lisible aux yeux des franciliennes et des franciliens, et qu'elle aura su en faire partager les objectifs. C'est en donnant son caractère transversal à la politique de la ville que nous lui donnerons sa lisibilité. C'est tout l'enjeu de l'intégration des politiques de droit commun, parmi lesquelles le développement économique et la formation tiennent une place majeure.
A travers ce voeu, le groupe EELV invite notre institution à engager, à partir des travaux de recensement et de bilan réalisés par les services, ce qui pourrait être un chantier majeur de cette fin de mandature, un souffle nouveau donné à sa politique en faveur des quartiers populaires. C'est un grand projet pour notre région, qui fait sens, car il contribuera à améliorer la vie de celles et ceux qui en ont le plus besoin et à redonner du crédit à l'action publique.
Tel est l'objet du voeu que nous vous proposons de voter.