Je me souviens
En ce temps là,
Les curés passaient dans nos rues.. .
En soutane, avec barrette ou grand chapeau.
Les cornettes en petits groupes glissaient à pas menus,
Un manchon de leur habit dérobait leurs main à la vue.
J’ai vu des religieuses enveloppées de noir
Le visage encadré d’un tissus empesé
Promener leur regard soupçonneux et sévère
Sur des enfants figées
Menées à la prière.
En ce temps là,
Des religieux en robe de bure et en sandales
Avançaient à grand pas,
Portant à leur ceinture,
Ostentatoires symboles
Un chapelet énorme au crucifix pendant.
En ce temps là,
De reposoirs en reposoirs
Les processions envahissaient
Nos voies, publiques et prosélytes,
Portant bannières et dais chamarrés
Des draps piqués de fleurs s’étalaient à foison
Aux façades des maisons.
En ce temps là,
Le Front populaire et les congés payés
Peuplaient déjà nos plages de maillots.
Par temps très chaud
Des grands-mères vénérables
Se baignaient en combinaison.
C’étaient des temps inoubliables.
On sortait d’une guerre effroyable,
Beaucoup n’en étaient pas revenus
Chacun avait encore en tête
Ses douleurs, ses morts, ses déchirures
Les trahisons subies, les disparus.
On pensait ses blessures
Des jours heureux la quête
Était ordre du jour.
Ce temps est révolu sans que
Nos édiles et nos juges s’en mêlent.
Le temps a fait son œuvre.
Les regards ont changé. La pieuvre
Des convenances ordonnées ou subies
N’enserre plus autant les ailes
De la diversité.
Comment aujourd’hui,
Aider ces femmes enclosent dans leur toile.
Comment mettre à genoux ceux qui prétendent éteindre les étoiles ?
La liberté est chose qui se gagne
Ce n’est point chose qu’on octroie
Je me souviens d’Iman jeune fille de Gaza
Il lui manquait un œil. Des soldats
De tsahal le lui avaient ravi dans la cour de l’école
Où les enfants lançaient les pierres de l’intifada.
Nous avions pu, avec d’autres enfants
Venus de Palestine, l’accueillir en Bretagne.
Elle avait quinze ans.
Ne portait pas de voile.
Le temps était très beau.
Les enfants se baignèrent.
Il fallu bien du temps
Pour qu’Iman accepta,
Toute de noir vêtu de pénétrer dans l’eau
Dans la mer,
A Saint Malo.