Le 9 février 2017 restera certainement dans les annales de l’histoire du Royaume-Uni, mais aussi, sans l’ombre d’un doute, dans celle du Parti Travailliste. En effet les députés britanniques ont voté, avec une majorité de 372 voix, non seulement la mise en œuvre de l’article 50, sésame de la sortie de l’UE, mais aussi la sortie du single market, le marché unique, initiative qui ne figurait absolument pas dans les engagements des partisans du Brexit, avant le référendum du 23 juin et qui constitue un véritable hold-up. Or la consternante surprise de ce vote a été la position de Jeremy Corbyn, chef du parti travailliste, qualifié à juste titre « d’immense déception » dans un précédent billet, non pas parce qu’il est « trop à gauche », comme l’ont exprimé certains lecteurs apparemment naïfs ou peu informés, mais parce qu’il ne l’est plus assez et qu’il est carrément dans la trahison.
L’attitude et les propos pour le moins ambigus et contradictoires de Jeremy Corbyn, pendant la campagne préalable au référendum du 23 juin, avaient déjà semé le doute et la discorde au sein du Labour. Corbyn est allé beaucoup plus lors du vote aux communes, en s’adjugeant le rôle de caporal-chef et en menaçant les députés travaillistes qui ne voteraient pas pour l’article 50. Ces gesticulations n’ont guère impressionné ces derniers, puisque 52 des 229 élus du Labour ont voté pour le maintien dans l’UE, allant même jusqu’à entonner l’hymne européen, l’hymne à la joie de Beethoven, pour la plus grande fureur du speaker. Clive Lewis, député travailliste de Norwich, non seulement s’est essuyé les pieds sur les injonctions de Corbyn, mais, en plus, il a démissionné du shadow cabinet, ce qui fragilise un peu plus la situation de Corbyn, lequel a sombré dans un ridicule achevé, en postant sur Twitter® cette déclaration d’une incroyable naïveté, mêlée d’une autosatisfaction qui pose un énorme problème aux militants travaillistes qui demeurent attachés à l’UE.
Voilà le texte de son tweet : Real fight starts now. Over next two years Labour will use every opportunity to ensure Brexit protects jobs, living standards & the economy. Lisez : « Le vrai combat commence maintenant. Dans les deux ans qui viennent le Parti Travailliste utilisera toutes les occasions pour s'assurer que le Brexit protège les emplois, les conditions de vie et l’économie. Cette vision d’un angélisme extrême a été immédiatement reprise de volée, sans ménagement, par Nicola Sturgeon, chef de file écossaise du SNP : How? You've just handed the Tories a blank cheque. You didn't win a single concession but still voted for the Bill. Pathetic. En d’autres termes « Comment ? Tu viens de donner un chèque en blanc aux Tories. Tu n’as obtenu aucune concession et pourtant tu as voté le projet de loi. Pitoyable. »
En plus des 52 députés travaillistes, 52 des 54 députés du SNP, 7 des 9 LibDems, 3 indépendants, les 3 élus du SDLP (Social and Democratic labour Party), l’unique députée verte Caroline Lucas ainsi que les 3 députés gallois du Cymru ont également voté pour le maintien dans l’UE. A ce groupe s’est joint le député conservateur Kenneth Clarke, député conservateur de Rushcliffe et ancien ministre de Margaret Thatcher, John Major et David Cameron, qui, dans une déclaration mémorable aux communes, à regarder ici, a ridiculisé ses collègues en leur disant notamment que si feu Enoch Powell (1912-1998), député conservateur dont les propos racistes sont encore dans les mémoires britanniques, revenait à la chambre « il n’en croirait pas ses yeux et ses oreilles de voir » que le parti qui l’avait exclu pour racisme « est devenu anti-européen et anti-immigrants »…