Décidément le procès en cours, à Londres, sur les écoutes téléphoniques mises en place, par le duo infernal Rebekah Brooks et Andy Coulson pour le compte de News International, aux dépens d’acteurs et de familles de victimes, n’en finit pas d’apporter des informations plus insolites et décapantes les unes que les autres. On se souvient qu’en décembre on avait appris a posteriori les effets de l’avarice de la reine lors des préparatifs du second mariage du prince Charles en 2005, lire ici le billet de ce même blog. Or l’audience du 19 février a mis en lumière la connivence du pouvoir politique britannique, qu’il soit conservateur ou travailliste, avec des media, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont guère recommandables.
En effet, l’avocat général Andrew Edis a donné, devant la cour, lecture d’un courriel envoyé par Rebekah Brooks à James Murdoch, fils de Ruper Murdoch et patron de News International, le 11 juillet 2011, soit le lendemain du jour où Murdoch père a décidé de saborder le sinistre hebdomadaire à scandales News of the World. Dans ce courriel Rebekah Brooks faisait état d’une conversation téléphonique, ce même jour, avec Tony Blair, ex- premier ministre travailliste, à l’initiative de ce dernier, au cours de laquelle il lui a donné plusieurs conseils pour faire face à la justice. On peut, ici et là, lire l’intégralité de ce courriel publié en pdf par le Guardian. Au-delà du fait qu’un ancien premier ministre travailliste puisse entretenir des liens d’amitié avec un personnage aussi sulfureux, c’est le détail des conseils prodigués, cinq au total, qui laisse pantois.
Tout d’abord Blair encourage sa chère amie Rebekah à constituer une équipe d’enquête présidée par Ken Macdonald, présenté comme un magistrat irréprochable — s’il est vrai que la compétence de ce dernier est avérée et qu’il a été Director of Public Prosecutions, on se souviendra aussi qu’il a été l’associé, dans un cabinet d’affaires, d’une certaine Cherie Blair…— et comme quelqu’un très prompt pour toute vérification. Le deuxième conseil consiste à publier le rapport de cette enquête le jour où la police aura terminé son enquête. On notera, avec une totale stupéfaction, qu’avec ces deux premiers « tuyaux » un ex-premier ministre suggère à Brooks de court-circuiter justice et police ! Les quatrième et cinquième conseils sont plus personnels et témoignent d’une réelle sollicitude pour cette authentique Cruella.
Brooks est invitée à prendre des somnifères pour tenir le coup. Peut-être faudrait-il en recommander l’usage aux militants travaillistes de base pour qu’ils oublient que Blair était des leurs — à ce stade on ne peut que recommander un ouvrage qui l’a déjà été maintes fois sur ce blog, celui de Keith Dixon, Un digne héritier, éditions Raisons d’agir, janvier 2000 — .
« ça passera, reste forte » est le quatrième conseil qui ne fait pas allusion au fléau de la presse tabloïde, mais aux tourments que cette pauvre Rebekah pourrait rencontrer. Le cinquième et dernier est le plus révélateur : pour elle, pour James et son cher papa, Blair demeure available…as an unofficial adviser, disponible, donc, en tant que conseiller officieux. Tony Blair a confirmé ce que tout le monde savait depuis longtemps, à savoir qu’il a toujours été l’obligé du « faiseur de roi » da la vie politique britannique, Rupert Murdoch, comme l’est David Cameron. Il sera désormais intéressant de savoir s’il sera inquiété pour tentative d’entrave à la justice.