Jean-Louis Mohand PAUL

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Billet de blog 10 octobre 2023

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Que les Palestiniens se libèrent du Hamas…

… est la condition première pour qu’ils livrent en effet une lutte sinon révolutionnaire, du moins susceptible de déverrouiller leur «prison à ciel ouvert».

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Un soutien international qui assimilerait au «peuple» gazaoui la bureaucratie militaro-théocratique du Hamas contribue plutôt à renforcer la soumission et l’enfermement qualitatif du premier à la seconde. 

Cette armée autoritaire bloque de l’intérieur toute perspective contre «sa» population qu’elle asservit avec la complicité tacite et manœuvrière de la politique actuelle d’Israël. Les appuis extérieurs qui la financent, l’équipent, la téléguident en partie et lui garantissent une aura médiatique dans le monde dit «arabe», sont réputés partout pour leur hyper-dogmatisme terrorisant à l’égard de leur propre société. 

On dénonce l’ultra-islamisme iranien, sa police politique totalitaire, ses répressions massives des manifestations contre lui, son contrôle maniaco-misogyne des mœurs. Comment deviendrait-il un modèle de vertu exemplaire lorsqu’il inspire et sous-tend le despotisme du Hamas ou, de même, du Hezbollah au Liban? A fortiori lorsqu’il régit (à ses propres fins et calculs) leur stratégie nihiliste menée dans le mépris total de leurs populations civiles, utilisées comme bouclier humain global de leur milieu ambiant, et condamnées de ce fait aux calamités récurrentes? 

Sur cette base, il est non seulement sinistre, mais aussi absurde de saluer dans les menées pogromistes du Hamas en Israël une reprise de la «lutte armée du peuple palestinien». De fait, on ne les salue pas, car c’est interdit ici, mais on le sous-entend… Un tel «soutien» illustre surtout un attachement névrotique à la seule «cause palestinienne», alors que les populations massivement déplacées sont innombrables dans l’histoire séculaire des États (y compris des régimes dits «révolutionnaires»); et même de nos jours (cf. le Haut-Karabakh à l’instant). Cette fixation a en effet quelque chose à voir avec l’ancien antisémitisme de nombreux «progressistes». Il n’est pas d’illusion qu’on ne puisse dépasser.

Dans une perspective libertaire anti-étatique, il n’y a aucune contradiction entre  cette critique minimale des autorités palestiniennes et l’indignation devant les stratégies destructrices israéliennes en cours. Réciproquement, le soutien à la population israélienne suppose de ne pas l’identifier à ses partis fascisants orthodoxes et racistes qui accentuent férocement les clivages ethno-religieux et nationalistes. 

Malheureusement, lorsque le premier ministre Nétanyahou justifie la destruction en cours des cités gazaouies par le fait que «ce sont des animaux» qui les habitent (et qu’il serait «donc» justifié de les traiter comme tels), il répète inconsciemment cette dévalorisation préalable, en tant que sous-hommes, d’une masse considérée comme à détruire – procédure facilitante dont son État, originellement, s’honorait de la répudier à jamais. 

Et, stratégiquement, il tombe dans le piège du Hamas, en alimentant la diffusion, dans de vastes parties du monde, d’images de désolation dont il sera tenu pour seul responsable et d’autant plus honni. Il faut penser ici, en France par exemple, à ce qui est montré en d’autres sphères socio-politiques…

Ce qui reste à notre portée est de prévenir les effets délétères de cette onde de choc sur les plans socio-politiques en France – et surtout pas de les alimenter. Les représentants de droite, notamment, anticipent des soutiens de la cause palestinienne indéfinie (la base et ses sommets, comme si, là aussi, il s’agissait d’un bloc uni et cohérent) et leur attribuent un antisémitisme qu’il convient de policer. 

Plus avancé, l’historien Gilles Kepel – qui n’a pas uniment tort dans sa dénonciation de l’ultra-islamiste – amalgame en substance les émeutiers de juin 2023 (suite à l’assassinat du jeune Nahel à Nanterre) à des «Arabes» manipulés par des imams et des édiles complaisants. Dans un entretien sur le site du Crif (du 4 octobre 2023), il révoque la notion d’islamophobie, comme si celle-ci n’existait pas. Voici scientifisé l’argumentaire banal de l’extrême droite, dont des foules de sites internets et de publications illustrent bien au contraire la réalité de l’islamophobie avec une virulence obsessionnelle et surchargée de menaces meurtrières. 

Précisément, G. Képel définit le motif de la manifestation du 23 septembre dernier à Paris comme le refus de l’islamophobie – celle-ci n’a été citée qu’une fois en passant par une intervenante, et il s’agissait centralement de dénoncer les violences policières «au faciès» et le «racisme systémique». D’ailleurs il y aurait à expliquer pourquoi la quasi-totalité des victimes de «bavures» sont «typées» et, pour un rapide regard sélectif, suspectes d’islamité… L’historicisme de G. Kepel n’est donc pas si sérieux que cela. (N’attribue-t-il pas à Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg d’avoir préparé la prise de pouvoir de Hitler en 1933? Ils avaient été assassinés en 1919 par les «corps francs» au service de la social-démocratie.)

Il faut dénoncer les imbroglios idéologiques d’ennemis complémentaires; du moins, ne pas les alimenter. Tous les despotismes militaro-religieux font les malheurs des peuples, quelles qu’en soient par ailleurs les croyances. Le Hamas s’annonce comme le tombeau de la cause palestinienne.

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