Elle ne rend pas compte d’un processus de ségrégation ethnique organisée. Une « épuration » bureaucratique et policière de longue haleine.
Ses procédures rappellent celles de l’Empire soviétique à l’égard de ses « républiques » non-russes (Caucase, pays Baltes…) : atrophie des investissements, guerre culturelle, interdits professionnels, occupation des postes publics par des « soviétiques », condamnation à l’exil économique ou politique, immigration organisée de composantes allogènes formant à leur tour une minorité ethnique dans la minorité, propre aux revendications identitaires rivales et manipulables.
Et dans le cas de contestation de la base socio-politique réelle, répressions féroces, arrestations nombreuses, coups de force et opérations terroristes, campagne idéologique orchestrée.
Il s’agit en Algérie de faire éclater la cohésion interne, culturelle (la langue, les traditions…) et historique (la mémoire des luttes anciennes, la capacité d’auto-organisation à travers les comités de village) des composantes kabyles. La « campagne » contre celles-ci s’est réactivée au fur et à mesure du Hirak, dont la suspension (ou le délitement ?) a isolé les manifestations kabyles persistantes et fourni au pouvoir central l’occasion d’ériger leur répression en cas particulier et exemplaire pour sauver sa (domi-)« nation » algérienne.
Depuis la désignation du MAK comme « organisation terroriste » en avril 2021 (et non en mai), les menaces d’« éradication » se sont multipliées, explicites et médiatiquement amplifiées. En avril, un sénateur a qualifié la Kabylie de tumeur dangereuse pour annoncer : « Un jour qui n’est pas loin, nous allons éradiquer toutes ces tumeurs cancéreuses qui rongent le corps de notre nation unie. » Il poursuivait une longue manie des métaphores sinistres : en mars 2020, la députée Naima Salhi qualifiait les Kabyles de « Juifs de la pire espèce »…
C’est dire que la hantise de l’ethnocide est suscitée en miroir par les proclamations des plus hautes autorités. Ou leur programme ?
On dit couramment de la Kabylie qu’elle est une « région frondeuse » : on fait moins connaître l’environnement qui la menace en tant que telle, qui ne concerne évidemment pas l’ensemble de la base sociale algérienne, la solidarité inter-régionale durant les incendies d’août en témoigne.
En avril 2021 encore, un « influenceur » réputé agent du DRS et officiant depuis Londres supposera en ligne avoir un jour « du pouvoir » pour inviter ceux des Kabyles de Tizi Ouzou et de Bejaïa « qui rejettent les idées et l’idéologie des séparatistes du MAK » à « quitter la Kabylie durant vingt-quatre heures seulement en laissant les séparatistes et ceux qui les soutiennent » pour « par la suite faire exterminer tous ceux qui resteront en Kabylie ».
À défaut de ce tri, et comme l’amalgame entre indépendantistes et tout opposant s’est depuis révélé utile, le même influenceur annonce le 3 juin : «L’été prochain, on observera un ensemble d’incendies de forêts kabyles, organisée de manière planifiée, systématique et très précise. » Précaution oratoire ou menace voilée, il déclare ne pas espérer que cela survienne.
Ces propos signifient que, dès alors, avant toute canicule estivale du monde méditerranéen, des strates en Algérie savaient qu’une vague d’incendies en Kabylie serait « planifiée, systématique ». Qui pouvait savoir que se préparait un tel projet ?
Si la plus haute vague des incendies des 10-15 août a fait connaître alors ce processus dans les informations internationales, des incendies criminels ponctuels se produisaient depuis le début juillet. Et ce sont les mêmes constats de lignes continues de fumées et-ou de flammes, selon un dessin artificiel, comme si le feu ne pouvait prendre qu’au long d’un sentier, et seulement sur ce sentier d’abord.
Actuellement se multiplient les arrestations plus qu’arbitraires des prétendus « responsables » de cette catastrophe durable et de leurs « complices ».
JLMP, le 30 août 2021.