C’est la rentrée et les « premiers de la classe » se font déjà remarquer. Les Valls, Macron, de Rugy, Placé, et consorts, veulent montrer l’exemple, faire la course en tête : ils affichent sans retenue, sans fausse pudeur, leurs convictions, leurs ambitions, leur volonté de réformer la France, handicapée par des règlementations et protections surannées, par des vieilles lunes marxistes et gauchisantes, par des croyances révolues, par toutes ces « fausses idées » comme les 35h ou le CDI qui compromettent la croissance et la compétitivité.
Juste avant l’université du MEDEF qui, depuis quelques années déjà, se charge de donner le tempo du gouvernement dans le domaine économique et social (1), le premier ministre avait prévenu, encouragé les bonnes volontés réformatrices : « Persévérer, c’est l’assurance de réussir. Changer de ligne de conduite, c’est la certitude de tout perdre. ».
Ces « premiers de la classe » sont les promoteurs de l’ordre libéral et ils savent qu’ils ont le vent en poupe. Même s’ils agacent, même s’ils ont tendance à en faire trop, ils sont en phase avec la présidence de F Hollande qui organise sciemment la faillite d’un modèle de société mis en place à la fin de la 2ème guerre mondiale et jugé dépassé. Ils sont furieusement représentatifs de cette Europe qui ne reconnaît plus qu’une seule politique et qui transforme tous les citoyens en spectateurs impuissants de leur déchéance démocratique et sociale. Avec un cynisme époustouflant, Manuel Valls déclare que les évènements grecs sont « une leçon politique et éthique pour toutes les gauches en Europe ». L’Union Européenne est aujourd’hui l’instrument le plus puissant d’une barbarie moderne qui ne reconnaît plus que la concurrence et la compétition, un espace sans solidarité, un « astre mort », ou plutôt mortifère, pour des milliers de migrants qui se font prendre au piège des espoirs fantasmés.
Ces « premiers de la classe » sont aussi les produits d’un modèle élitiste, d’un système éducatif qui laisse de côté la coopération, l’entraide, le partenariat, pour sélectionner des compétiteurs, des bêtes à concours, des gagneurs conformistes. Ce sont de grands carnassiers aux egos surdimensionnés, aux ambitions mal refreinées. D’une certaine façon, la culture de l’individualisme et l’esprit du libéralisme accompagnent les jeunes esprits tout au long de leur parcours scolaire et universitaire et modèlent les comportements. Nous formons des têtes mal faites pour affronter les défis du XXIème siècle. La réforme du collège qui prévoit de développer le travail en équipe et un accompagnement personnalisé mériterait des moyens autrement plus importants pour prétendre commencer à valoriser d’autres élèves que les « premiers de la classe ».
Surtout, ce sont les dignes représentants d’une classe politique prisonnière des institutions de la Vème République et qui fait carrière. Que de compromissions, tractations, reniements, trahisons, pour être ministre, Premier ministre, Président de la République. . .
Hollande, Valls, Macron, De Rugy, Placé, et consorts, sont les marqueurs avancés de la décomposition de notre système politique.
Et les causes du délabrement démocratique, social, écologique, économique, de notre société sont connues, recensées et analysées à n'en plus finir. La rhétorique a tendance à se substituer à l’action.
En d’autres temps, devant tant de déconvenues et de reculs, et à l’annonce de nouvelles attaques concernant le droit du travail et nos acquis sociaux, on aurait pu prédire un automne agité. Mais, comme le remarquent beaucoup d’observateurs, la confusion est à son comble, dans les têtes et dans les partis. L’ébullition des formations de gauche n’est pas le gage d’une prochaine mobilisation unitaire d’envergure. Nous sommes comme des animaux enfermés dans une cage : l’angoisse débouche sur des affrontements internes quand elle ne peut s’extérioriser.
Pourtant, sans changement de paradigme, sans un changement de constitution, au niveau national comme au niveau européen, sans une révolution, la petite oligarchie dominante ne cèdera pas. Elle est intimement persuadée qu’il n’y a pas d’alternative et les carcans sont bien en place.
Pour faire sauter les chaînes qui se tendent et se referment peu à peu sur nous, le courage et la volonté nous manquent, probablement.
Alors pour cette rentrée, il faut avant tout nous encourager mutuellement car il n’est de toute façon pas possible de renoncer.
(1) Le président du Medef, Pierre Gattaz, a appelé le gouvernement à régler le problème de la réforme du droit du travail "d'ici à Noël" et répété qu'il fallait que les accords d'entreprise soient prioritaires.