Depuis l’égorgement du père Hamel, depuis ce nouvel attentat en plein été, juste après les horreurs du 14 juillet, la pression était énorme sur l’islam de France. Alors les musulmans sont allés à l’église se recueillir, un peu comme à confesse, dans une prière œcuménique avec leurs frères catholiques, pour tenter de se faire pardonner le crime d’un jeune fou qui se réclamait de leur religion.
Comment peut-on susciter une telle barbarie meurtrière, comment peut-on revendiquer un acte aussi odieux, comment peut-on engendrer de telles monstres ? L’islam est décidément une religion pas comme les autres, peu compatible avec nos valeurs républicaines. Peut- être conviendrait-il de l’adapter, de la réformer ? Manuel Valls veut s’y employer : « Il faut une remise à plat et inventer une nouvelle relation avec l’islam de France ».
Réformer l’islam de France . . .
Est-il question de mettre l’islam sous tutelle, de confier à l’Etat le soin de l’administrer ? S’agit-il d’appliquer pour l’islam et à l’échelle du pays, dans le cadre d’une république supposée laïque, une forme de régime concordataire à l’image de ce qui se fait en Alsace et en Moselle pour les autres religions ?
Et réformer l’islam réformera t-il l’âme humaine ? Le problème qui nous est posé n’est pas tant religieux que politique. Un islam de France réformé ne réussira pas davantage à endiguer, à maîtriser le rejet de l’autre, la rage, la haine que finissent par susciter chez certaines âmes fragiles les frustrations, les vexations, le mépris accumulé. La religion peut être un recours, un apaisement, mais aussi malheureusement une possibilité d’exaltation supplémentaire, une voie d’accomplissement morbide pour des jeunes en déshérence qui, sous la férule de prédicateurs enflammés, entrevoient de donner libre cours, avec la bénédiction d’Allah, à toutes leurs fureurs accumulées.
En montrant du doigt l’islam, en alimentant implicitement le fantasme de la guerre de religion, Manuel Valls renforce les préjugés populaires au lieu de les combattre et contribue à entretenir voire à exacerber les réactions de rejet et de peur.
Sous les coups de butoir des attaques terroristes, les verrous qui tenaient prisonnière, muselée, la bête immonde, sont en train de sauter. Tapie dans les recoins sombres, dans le cœur brun de la société française, elle n’aspirait qu’à plus de lumière et elle peut déployer désormais sans complexe son discours xénophobe et patriotique, même si nos gouvernants prétendent encore lui tenir la bride courte. Ce qui monte ce n’est pas la fraternité, la compassion, l’acceptation de l’autre, réclamées par les responsables religieux mais bien, malheureusement, le racisme et la peur accompagnés par nos politiques.
La garde nationale, la prolongation de l’état d’urgence, l’arbitraire policier encore facilité, la garde nationale remise sur pied. . . On voit bien où tout cela peut nous mener mais on y va quand même, on y va en essayant d’y mettre les formes, en invoquant la République, les valeurs qui nous unissent ; on y va avec des grands mots mais qui sont aussitôt insultés par les actes et par les décisions.
Pendant ce temps là, en Syrie et en Irak, la France accentue son combat contre Daesh. Mais la technologie et l’avionique du XXIème siècle ne permettent pas encore des frappes ponctuelles et précises ; et les forces de la coalition, coordonnées par les USA, continuent à faire de nombreuses victimes civiles(lire ici). Pour éliminer des djihadistes et pour protéger nos intérêts dans la région, nos aviateurs ne sont pas trop regardants et bombardent accessoirement des civils. Il faut dire aussi qu’en bas, il n’y a pas de militaires engagés au sol et encore moins de bons « catholiques » ; non, en bas, ce sont des populations étrangères , des arabes, des musulmans, des autres. . . Pour ces gens là, la terreur vient aussi d’en haut.
Une fois n’est pas coutume, laissons au pape François le mot de la fin : «C’est un peu difficile à dire, mais je crois que le terrorisme, le terrorisme croît quand il n’y a pas d’autre choix (. . .) Au centre de l’économie mondiale, il y a le dieu argent et non la personne, l’homme et la femme. C’est le premier terrorisme qui s’attaque à la merveille de la création, l’homme et la femme. C’est un terrorisme de base, contre toute l’humanité. »