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Billet de blog 2 octobre 2018

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Quand l'Etat irresponsable parie sur la responsabilité des consommateurs

Un rapport sur l’alimentation industrielle vient d’être déposé par une commission d’enquête parlementaire présidé par Loïc Prud’homme, député France Insoumise de la Gironde. Ces préconisations seraient simples à mettre en place mais elles n’ont pratiquement aucune chance d’être adoptées par l’industrie qui peut compter sur la passivité du gouvernement.

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L’alimentation des français passe de plus en plus entre les mains des industriels, c’est un marché énorme où les consommateurs sont la cible des mêmes recettes marketing que dans les autres secteurs.

L’innovation qui permet dans notre civilisation de progrès technologique d’attiser et d’entretenir la demande en déclenchant un réflexe quasi-pavlovien d’achat est évidemment un outil précieux.

L’industrie alimentaire est innovante et  elle en tire gloriole. Ainsi peut-on lire sur le site de l’ANIA, l’Association nationale des industries alimentaires,  présidée par Richard Girardot, ancien PDG de Nestlé France, que « l’innovation est plus fréquente dans les industries agroalimentaires que dans les industries manufacturières (69 % contre 48 %) » et que l’ANIA «  accompagne ses adhérents dans leurs démarches d’innovation en organisant régulièrement des conférences, des formations et des ateliers, et en soutenant des projets concrets destinés à stimuler la recherche et l’innovation technologique alimentaire. » 

De nouveaux produits, de nouvelles marques, de nouveaux slogans publicitaires, de nouveaux temps de cerveaux humains disponibles, notamment pour les enfants.

La nouveauté fait vendre et les techniques développées ces dernières années pour démoder les recettes de grand-mère sont innombrables : dans l’industrie alimentaire, on s’est donc mis à raffiner, fractionner, déstructurer, recombiner, extrader, souffler, hydrogéner, colorer, etc,  des matières premières qui sont fournies par une agriculture intensive consommatrice de pesticides et d’intrants divers.  Les  produits manufacturés, ultra-transformés,  de l’industrie agro-alimentaire, issus d’une alchimie de plus en plus sophistiquée  sont des cocktails de produits chimiques dont les effets sur la santé sont parfois difficilement évaluables mais qui posent cependant dès à présent un problème de santé publique :

  • le nombre de personnes sujettes à des allergies alimentaires ne cesse d’augmenter ;
  • entre 1999 et 2015, le nombre de diabétiques a presque doublé en France passant de 1,8 à 3,3 millions ;
  • un enfant sur six est en surpoids ;
  • etc, et sans parler des autres maladies et affections pour lesquelles il est plus difficile d’établir un lien direct avec l’alimentation.

Un rapport sur l’alimentation industrielle vient d’être déposé par une commission d’enquête parlementaire présidé par Loïc Prud’homme, député France Insoumise de la Gironde ( lire ici). Le rapport propose notamment de :

  • ramener la liste d’additifs autorisés de 338 à 48 (ceux autorisés en agriculture bio), et interdire ceux qui sont controversés, comme le dioxyde de titane;
  • fixer la teneur maximale en sel des produits de panification à 18 grammes par kilo de farine (alors que certains sont aujourd’hui au-delà de 20 grammes), ces produits représentant près d’un tiers des apports journaliers en sel;
  • définir par voie règlementaire des objectifs quantifiés de baisse de sel, de sucre et d’acides gras saturés et trans pour chaque catégorie de produit, en se fondant sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé;
  • renforcer l’éducation nutritionnelle en l’érigeant au rang des enseignements obligatoires, et ce, dès l’école maternelle;
  • rendre obligatoire la mise en place du Nutri-Score sur les produits transformés en France, et œuvrer pour une mise en place à l’échelle européenne;
  • restreindre les publicités alimentaires à destination des enfants;
  • suspendre l’autorisation d’allégations nutritionnelles dans les publicités («tel produit renforce votre système immunitaire » ; « tel autre participe à votre équilibre nutritionnel »...).

Ces préconisations seraient simples à mettre en place mais elles n’ont pratiquement aucune chance d’être adoptées par l’industrie qui peut compter sur la passivité du gouvernement qui a notamment refusé d’inscrire dans la loi « pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable », dite loi Egalim qui vient d’être votée au Parlement, l’interdiction des publicités pour les « produits alimentaires et boissons trop riches en sucre, sel ou matières grasses et ayant pour cible les enfants de moins de 16 ans » sur « tout support de communication radiophonique, audiovisuel et électronique ». Le ministre Stéphane Travert, en bon libéral, compte sur « le rôle de régulateur du CSA », qui peut « travailler sur les contenus », « sans que nous ayons besoin d’inscrire des choses par trop contraignantes dans la loi ».

En régime capitaliste libéral, les entreprises de la filière alimentaire ont avant tout pour objectif la recherche du profit. Encadrer l’industrie et mettre en place une règlementation permettant de prévenir les dérives afin de nourrir correctement les populations seraient en principe du ressort de l’Etat. Mais l’Etat Macron n’en a ni la volonté, ni les moyens.

Avec la loi Egalim, l’Etat irresponsable parie sur la responsabilité des consommateurs.

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