La conférence de Durban sur le réchauffement climatique qui s’est ouverte lundi dernier va durer quinze jours, quinze jours de palabres sans horizon, sans perspective, quinze jours pour donner le change, pour se rejeter la responsabilité d’un échec programmé avant même le début des discussions. Depuis Copenhague, le climat se détériore sur fond de crise économique et les prévisions alarmistes des climatologues tombent à plat. La petite phrase prononcée avec beaucoup d’ aplomb et de cynisme par Jacques Chirac lors de l’ouverture du sommet de la Terre à Johannesbourg en 2002 « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » correspond plus que jamais à la situation actuelle . Deux degrés , trois degrés ou six degrés d’augmentation de la température moyenne du globe d’ici la fin du siècle, l’industrie en décidera, les politiques s’adapteront et les citoyens du monde tenteront de le faire avec plus ou moins de chances de succès. Le capitalisme en économie libérale ne sait pas envisager l’avenir et traiter des biens non marchands alors que la prise en compte des facteurs environnementaux nécessite une approche prospective désintéressée. Et puis, pour reprendre la boutade de Keynes, « à long terme, nous serons tous morts ». En économie libérale, la terre n’a pas d’avenir.
Les experts du G.I.E.C ( Groupe d’experts Intergouvernemental pour le Changement Climatique) prévoient que les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère «vont conduire à des changements dans la fréquence, l'intensité, la répartition géographique et la durée des événements climatiques extrêmes pouvant aboutir à une situation sans précédent».
Le climat boursier paraît déjà affecté par le réchauffement. Dans un environnement en perpétuel changement, on ne calcule plus à long terme et le retour sur investissement doit être le plus rapide possible, la spéculation offre de ce point de vue des possibilités inégalées. Les bourses européennes en particulier subissent des fluctuations, des soubresauts importants et paraissent plus que jamais naviguer entre panique et euphorie. Un jour à la baisse, un autre jour à la hausse. Bruno Dive remarque avec justesse dans les colonnes du Journal Sud-Ouest du mardi 29 novembre que ces mouvements ( lundi, la bourse a connu une envolée de plus de 5% alors même que le taux de chômage connaissait une forte hausse ) s’effectuent désormais sans lien avec la réalité économique et sociale et que « cette indifférence en dit long sur la déconnexion qui s’est opérée entre la finance et l’économie réelle». On pourrait bien évidemment ajouter que la finance ignore superbement la réalité écologique ; les traders, figures emblématiques du capitalisme financier globalisé, tendus vers des objectifs spéculatifs de très court terme, ne sont affectés que par l’environnement immédiat de leurs écrans plats et des salles de marché. Ce constat aurait dû conduire, en toute logique, l’éditorialiste à se faire l’avocat d’une économie plus régulée et moins soumise aux intérêts à courte vue des détenteurs de capitaux. . . que nenni, quelques lignes plus loin, ce brillant esprit pointe au contraire du doigt pour expliquer nos difficultés actuelles (dette, aggravation du chômage, …) « les rigidités de notre organisation sociale », responsables de tous les maux et notamment du déficit de la Sécurité sociale. Un peu comme si, pour résoudre les problèmes du réchauffement climatique, on encourageait les populations à produire et à consommer toujours plus d’énergie ( ce qui n’est d’ailleurs pas très éloigné de la réalité).
Tous ces commentateurs de notre vie politique, économique et sociale semblent observer la société avec des jumelles à l’envers : la vulgate néolibérale rétrécit leur champ de vision et leurs analyses ; ils agissent comme des bonimenteurs de foire qui proposent un remède miracle pour soigner tous les maux. Le désordre, les souffrances, la destruction du cadre de vie qui accompagnent systématiquement le néolibéralisme dominant seront résolus par davantage de libéralisme. Loin de la pensée complexe prônée par Edgar Morin pour dépasser les schémas de pensée habituels et imaginer de nouvelles solutions, ces fâcheux sont affectés d’une pensée verrou qui les enferme dans des schémas totalement obsolètes. Manipulant et trompant l’opinion publique, ils contribuent à retarder une prise de conscience qui tôt ou tard bouleversera un monde sans avenir. Il est grand temps de faire sauter le verrou !