L’homme pousse son chariot dans les allées de ce supermarché de la banlieue parisienne. Avec son costume trois pièces et ses chaussures vernies à bouts pointus, il détonne un peu parmi la clientèle de cette grande surface où les tenues décontractées sont largement majoritaires.
Il fait vraiment très propre sur lui, bon chic, bon genre, comme on dit vulgairement et on lui donnerait aisément le bon dieu sans confession, d’autant plus que son visage lisse, un peu poupin, son regard bleu et ses cheveux blancs coupés courts, accentuent son côté sage et discipliné.
Cela ne doit pas rigoler tous les jours à la maison, mais peut-être n’est-ce qu’une impression. . .
Il circule rapidement parmi les rayons, son temps a l’air compté, on imagine que d’autres occupations l’attendent. Il est concentré.
Par ces temps d’inflation alimentaire, pour un père de famille nombreuse comme lui, nourrir sa famille en tenant son budget nécessite beaucoup de sérieux et d’application. C’est comme pour tout le reste, il faut savoir maîtriser son niveau de dépense !
Pour cela, il convient de ne pas rater les opportunités. Il navigue d’un rayon à l’autre, scrutant les étiquettes, jetant au passage un coup d'oeil rapide aux têtes de gondole pour repérer les promotions intéressantes. De temps en temps, il s’approche un peu plus près d’une vitrine, reste là quelques secondes, hésitant, puis pousse rapidement son chariot un peu plus loin. Il ne veut pas être tenté, c’est certes appétissant, mais c’est vraiment trop cher ; avec une famille nombreuse, il faut faire attention.
Il cherche surtout dans les présentoirs des produits frais les pastilles de réduction immédiate de 30% signalant les articles qui approchent de leur date de péremption, il a pris soin d’emporter son catalogue lui signalant les bonnes affaires de la semaine. Il fait ses courses régulièrement et il connaît bien l’agencement général du magasin, c’est un avantage certain pour circuler rapidement et aller à l’essentiel. Il en tire une forme de satisfaction, il a l’impression de faire des économies, il pense en souriant à son métier et à l’ interview qu’il a accordé à des journalistes, lors de sa visite au salon de l’agriculture, et notamment au passage qui a été repris par tous les médias :
« La seule chose qui compte pour moi c'est que lorsque nos compatriotes font leur course et cela m’arrive toutes les semaines pour nourrir ma famille de 4 enfants on s’aperçoive que pour un certain nombre de produits, effectivement, les prix ne flambent pas, il ne doit pas y avoir de mars rouge. . .»
Tous les ministres d'Emmanuel Macron devraient s’inspirer de la méthode admirable de Bruno Le Maire : arpenter le terrain, se confronter aux difficultés du quotidien, vivre parmi leurs compatriotes. On sait alors de quoi on parle, on peut ressentir une réelle empathie et tenir un langage de vérité compris et accepté des Français.
Le même Bruno Le Maire déclarait il y a quelque temps à propos de la réforme des retraites : « il y a, dans ce projet de retraite, présenté par Elisabeth Borne, de vraies avancées sociales, des avancées de justice.” comme par exemple “avoir une pension minimale garantie à 1200 euros, 85% du SMIC, qui va s’appliquer tout de suite. Vous avez aujourd’hui des indépendants, des commerçants, qui devraient en septembre ou octobre prochain, toucher 1000, 1050 euros de retraite, ils vont toucher plus, 1200 euros. » Comment ne pas saluer l' honnêteté intellectuelle d'un tel homme politique qui fait honneur à la Macronie ?
Et comment ne pas être impressionné par sa franchise et sa grande rigueur quand il s'empresse d’ajouter : « On parle en 85% du SMIC net, mais c’est 1200 euros brut, soyons très précis, il faut qu’il n’y ait pas de tromperie…»