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Billet de blog 4 février 2012

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Des bulles asphyxiantes

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C’est une bulle médiatique qui enfle et qui s’alimente  en permanence des dernières déclarations de l’un ou de l’autre.  Sarkozy puis Hollande, Hollande puis Sarkozy, le ballet des faiseurs d’opinion autour de ces deux candidats  va durer jusqu’au mois de mai. Comme d’habitude, les instituts de sondages ont sélectionné les favoris, les vrais protagonistes de la bataille électorale, ceux dont la moindre  déclaration mérite d’être décryptée, analysée. Les médias organisent désormais le débat politique autour de François et de Nicolas, allant jusqu’à mettre en scène des duels par lieutenants interposés : cette semaine l’émission « Des paroles et des actes » sur France2  a opposé François Fillon à Martine Aubry. Les autres candidat(e)s  jouent le rôle de faire-valoir, ils n’ont d’importance que par rapport au duo de tête ; certes leurs prises de position sont relayées mais elles servent davantage à étalonner le clivage gauche-droite qu’à nourrir la réflexion.  Ainsi, comme le fait remarquer Hervé Kempf dans une chronique récemment  parue dans « Le Monde » (édition du 30 janvier), Jean-Luc Mélenchon qui est le seul candidat à mettre en avant le concept de planification écologique ne fut pas « titillé » à ce sujet  lors de son passage à l’émission « Des paroles et des actes » du 12 janvier dernier. Hervé Kempf en tire la conclusion que « pour les éminences médiatiques, l’environnement ne fait pas partie des questions sérieuses » ; certes, mais c’est aussi certainement la conséquence du désintérêt des « leaders » pour le sujet. Le débat est rétréci, borné, délimité par ceux qui font la course en tête et par tous les « chiens de garde » ; il se focalise autour de la forme de libéralisme qui va dominer notre société au cours des cinq prochaines années : s’agira-t-il d’un libéralisme assumé, revendiqué, encouragé,  ou d’un libéralisme contraint, subi, d’un libéralisme "malgré-nous"» ?                                                            La bulle médiatique autour des finalistes présumés de la présidentielle gonfle en asphyxiant notre démocratie.
Parallèlement, une autre bulle n’en finit pas de grossir et d’envahir la sphère médiatique : la bulle de « la crise de la dette ». La crise de la dette monopolise l’attention, parasite  le débat électoral et appauvrit la réflexion des « élites » politiques et syndicales. Car, dans le cadre des schémas de pensée classiques associés à notre société de croissance et de consommation, la gestion de cette crise renvoie désormais uniquement, en dernière approche, au dilemme qui tenaille les gouvernements de l’Union Européenne : comment relancer la croissance en adoptant des mesures d’austérité qui risquent au contraire d’entraîner une récession prolongée ? Aujourd’hui, pour quasiment tous les prétendants et en tout cas pour les deux favoris, la crise économique et sociale n’est pas reliée à la crise écologique. L’objectif commun est le retour à la croissance en comptant prioritairement sur une augmentation de l’offre et de la demande privée (compte tenu de la compression prétendument nécessaire des dépenses publiques). Le salut économique passe par la relance de la production industrielle et de la consommation, sans aucune interrogation sur leur nature. La crise de la dette, pourtant révélatrice de la faillite d’un système, risque  donc, paradoxalement, d’aggraver les méfaits du néolibéralisme ; elle provoque déjà  un effacement particulièrement inquiétant de la question environnementale à l’heure où un rapport de l’ONU (remis pour préparer le sommet de Rio+20) rappelle la nécessité et  l’urgence de changer de mode de développement. La problématique écologique qui avait commencé à émerger  ces dernières années disparaît à nouveau du discours politique dominant, il s’agit là d’une régression majeure qui risque de contaminer progressivement tous les acteurs de la vie économique et sociale.
Sans réflexion en amont sur le contenu du travail, sur la pertinence de la technologie ou du service mis en œuvre, la société de croissance impose un développement contraint qui instrumentalise et asservit  les travailleurs et les consommateurs. Si la richesse créée par les entreprises est la valeur de référence, le travail, même asservi , est considéré comme moral en tant que tel et quel que soit ce que l’on fait. Le piège et une certaine forme de totalitarisme se referme alors sur la société dans son ensemble qui ne peut plus que célébrer les créations d’emploi  ou déplorer les licenciements. La « fuite en avant » est la seule issue, il n’y a pas d’alternative !
L’actualité nous en fournit deux exemples édifiants :
-    Les élus et responsables politiques de tout bord applaudissent cette remarquable opération de propagande électorale sur la vente des rafales à l’Inde (même Jean-Luc Mélenchon !) sans aucune retenue , le discours est  simpliste : la haute technologie française en matière d’armement s’exporte et c’est bon pour l’emploi.  Tous les poncifs sont appelés à la rescousse et on laisse Olivier Dassault proclamer que c’est « la victoire de la France qui gagne et qui vole haut ». On vend des armes à l’étranger, on va pouvoir rentrer des devises, on va pouvoir faire tourner les entreprises d’armement et justifier le maintien d’un secteur pourvoyeur d’emplois, c’est là l’essentiel!
-    L’annonce d’une vague de licenciements sur le site de COFINOGA de Mérignac permet, à l’inverse, aux élus de la Communauté Urbaine de Bordeaux de s’apitoyer sur le sort des salariés concernés, la plupart du temps sans aucune mise en perspective : COFINOGA est pourtant une société spécialisée dans le crédit à la consommation notamment par le biais des fameux crédits « revolving » (crédits renouvelables) qui sont de véritables trappes pour faire tomber les ménages  aux revenus modestes dans le surendettement . Afficher une solidarité de façade est bien dérisoire et inutile quand il aurait fallu, préventivement, faire pression sur les banques afin d’interdire certaines activités et organiser la reconversion des collaborateurs impliqués.
Si la politique se borne à accompagner et à favoriser le développement de la technologie et des firmes, sans questionnement et sans projet collectif,  nous fabriquons des objets mais aussi, inéluctablement, des travailleurs aigris et isolés.
Dans cette période pré-électorale, nous sommes plus que jamais dans la manipulation de l’opinion et  les citoyens engagés doivent lutter contre l’idéologie ambiante et contre toutes les bulles médiatiques qui asphyxient le débat et réduisent le champ des possibles.
                                                                                                                                

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