Reprise du chantier de l’A69 malgré la première décision motivée du tribunal administratif, adoption désormais inévitable de la loi Duplomb* après son renvoi en commission mixte paritaire, le gouvernement met en œuvre ses projets écocidaires à marche forcée en contournant le droit et la démocratie. Comme dans le cas de la réforme des retraites et de bien d’autres dossiers, le bien commun et l’intérêt du plus grand nombre sont sacrifiés pour répondre aux exigences d’une petite minorité. Le pouvoir entend imposer coûte que coûte une politique productiviste exigée par les lobbies industriels et l’agro-industrie malgré une crise écologique qui s’accentue dramatiquement. Le MEDEF et la FNSEA dictent leur loi, la loi du profit.
Toute la panoplie des manœuvres et techniques permettant de décourager et de réduire à l‘impuissance les voix dissonantes et les oppositions sont mises à contribution : négation ou interprétation fallacieuse du droit, mise en œuvre de procédures législatives exceptionnelles, mépris de la communauté scientifique ainsi que des avis des différentes instances chargées de l’évaluation des impacts environnementaux comme le Conseil national pour la protection de la nature ou l’Autorité environnementale, début des travaux avant l’épuisement des voies de recours voire avant les résultats des enquêtes d’utilité publique pour la plupart des chantiers d’infrastructures agricoles ou de transport, etc.
Dans un moment de colère, un certain Mélenchon s’était écrié « la République c’est moi », cette formule un brin arrogante qui résonne comme un accaparement égotique de nos institutions lui est encore reprochée, personne ne pouvant évidemment s’approprier ce bien commun qui est le fruit de notre histoire collective.
Mais aujourd’hui, le pouvoir macroniste et tous les milieux d’affaires qui exercent leur lobbying effréné pourraient s’écrier « la République c’est nous » tant ils disposent de toutes les institutions et de tous les leviers de commande. Mais c’est une République détournée, confisquée, corrompue, une République qui ignore les citoyens et ceux qui en sont les représentants élus. Car à n’en pas douter la République est désormais soumise à des intérêts privés au détriment de l’intérêt général. L’exécutif exerce pour cela une pression permanente sur l’administration et sur les juges. Le système politico-économique fonctionne à sens unique comme un mécanisme à cliquet qui empêche toute remise en cause des décisions prises et des travaux entrepris, il n’y a pas de retour en arrière possible ni de reconnaissance des erreurs. Il impose une lecture du droit partisane, qui permet de légitimer l’injustifiable et de pratiquer une justice de classe, favorable aux seuls intérêts des nantis. l’État de droit est brandi pour faire taire les critiques et exiger la soumission mais, dans les faits, il a disparu pour laisser place à l’arbitraire.
Les élections, les recours en justice, les manifestations sont impuissants à bousculer l’ordre établi : ni le vote, ni le droit, ni la mobilisation citoyenne ne paraissent opérants.
Le message envoyé est clair : quoi que vous puissiez faire, quoi que vous puissiez entreprendre par des voies pacifiques et démocratiques, nous mènerons nos projets mortifères jusqu’au bout parce que nous considérons que la République c’est nous, nous disposons de la justice et de la police, nous userons de la force et de la violence, vous n’êtes rien.
Quand le citoyen est si ouvertement et si constamment méprisé, que lui reste-t-il pour se faire entendre ?
Face à un totalitarisme aveugle et sourd, confronté à un État de droit corrompu qui se met au service d’un capitalisme dévoyé et qui tourne le dos à l’urgence écologique et sociale, il ne reste plus que la désobéissance civile et l’action directe pour s’opposer à tous ces projets destructeurs du vivant s’appuyant sur une légalité factice.
( *) Loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur en permettant à nouveau l’utilisation de pesticides dangereux ( notamment pour les abeilles) , en favorisant la construction de bassines, en permettant l’assèchement de zones humides, en assouplissant les normes concernant les gros élevages intensifs, etc. En bref : une loi taillée sur mesure pour l’agro-industrie qui intensifie encore un modèle agricole destructeur pour les paysans et la nature.