Manuel Valls remplace donc Jean-Marc Ayrault mais pour combien de temps ? C’est la question qui vient immédiatement à l’esprit tant le choix du nouveau Premier ministre apparaît décalé et inadapté et pour tout dire presque provocateur à l’égard d’un électorat de gauche qui, d’une élection à l’autre, tombe de Charybde en Scylla.
Notre monarque républicain a-t-il choisi Valls par calcul politicien, par référence à la cote de popularité de l’homme politique ou pour disposer d’un homme à poigne à la tête d’un « gouvernement de combat » ? . . . c’est de peu d’importance par rapport au message délivré à toutes celles et ceux qui l’ont porté au pouvoir, un message qui est finalement un formidable pied de nez à la démocratie. Comme l’écrivait Cornélius Castoriadis, notre société est bien une « oligarchie dominée par la bureaucratie des partis ». Le nouveau gouvernement appliquera, avec Manuel Valls à sa tête, la même politique d’austérité et d’assèchement des services publics, dans le mépris le plus total des aspirations populaires. Peu importe les ministres pourvu qu’on ait l’orthodoxie financière ! L’allégeance – pour ne pas dire la soumission - au chef de l’exécutif est d’ailleurs le seul harnais susceptible d’apporter un minimum de cohésion à un attelage singulier, finalement peu remanié, qui tire spontanément à hue et à dia. Le partage des postes et des responsabilités résulte, comme à l’accoutumée, d’un dosage subtil entre les différents courants et sensibilités du PS et l’on cherche en vain la logique et l’harmonie dans ce fatras d’ambitions personnelles et de personnalités qui n’ont pas la même interprétation de la ligne politique fixée par le Président et qui ne partagent pas la même vision de la société et du progrès. . .
Les élus d’EELV ont déserté le gouvernement et la majorité n’est plus constituée désormais que des seuls élus socialistes, même si les écologistes, dans un curieux réflexe de solidarité, persistent à se déclarer encore partenaires. Nul doute que les prochaines décisions et arbitrages défavorables achèveront de les faire basculer dans le camp des opposants. Déjà l’abandon définitif de l’écotaxe semble programmé en attendant l’enterrement de la transition énergétique qui apparaît inéluctable faute de moyens de financement.
Après deux ans de pouvoir qui sont deux ans de renoncement face aux lobbies financiers et aux dogmes bruxellois sacralisés par le TESCG, le roi est nu et il n’aura bientôt plus pour le soutenir que quelques politiques et hauts fonctionnaires issus de la fameuse promotion Voltaire de l’ENA. Les prochaines échéances électorales seront sans aucun doute marquées par une nouvelle débâcle du PS
Dans ce contexte, les dissensions actuelles au sein du Front de Gauche sont d’autant plus regrettables : de l’autre côté de l’échiquier politique, le vote FN est en passe de devenir le principal exutoire à la désespérance de l’électorat.