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Billet de blog 6 mars 2016

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« Droit dans ses bottes » et de traviole dans la tête

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Premier ministre de Jacques Chirac, celui qui était désigné par le Président comme « le meilleur d’entre nous »ne voulait pas s’en laisser conter : il avait adopté d’emblée une attitude intransigeante, inflexible, convaincu de la nécessité d’adapter la France à la doxa libérale et de mettre fin aux privilèges exorbitants d’un salariat surprotégé. Mais il avait fini par vaciller et céder partiellement face au mécontentement ; la mobilisation populaire et les grandes manifestations de l’automne 95 avaient permis d’épargner à quelques privilégiés certains ajustements pourtant jugés indispensables, notamment concernant les retraites. Aujourd’hui, l’expérience d’Alain Juppéhante l’esprit de Myriam El Khomri, chargée de la réforme du Code du travail : elle affirme que « rester droit dans ses bottes, comme certains l'ont fait à une autre époque, avec le résultat que l'on sait, serait la pire des postures  » . La ministre veut  se donner « quinze jours de temps d’échange, d’écoute et de dialogue » afin de contrecarrer l’exaspération syndicale et citoyenne. Mais on ne sait trop si c’est la posture  martiale  ou le renoncement qui s’en est suivi que condamne Myriam El Khomri. Car notre ministre socialiste est « debout, motivée, déterminée » et pense qu’ « il faut frapper vite et fort, y compris en bousculant ».  Et, comme à l’époque d’Alain Juppé, il ne s’agit pas de bousculer le patronat mais bien les travailleurs. Et un cran supplémentaire est franchi puisqu’il ne s’agit pas seulement avec la loi « El Khomri » de travailler plus mais de travailler avec une moindre protection et dans des conditions plus dures. Il convient  sans doute de bousculer également nos certitudes et nos préjugés : la loi sur le travail est nécessaire au bien commun, il faut affaiblir le droit des travailleurs pour fortifier l’emploi. Le chômage  ne peut provenir que des rigidités excessives d’un marché faussé par un Code du travail complexe et paralysant ; l’inadaptation de l’offre à la demande qui en découle est un handicap terrible pour les entreprises et pour notre économie. Des salariés trop payés, trop protégés, trop indemnisés, ne peuvent qu’effrayer le patronat et dissuader les meilleures volontés. L’idéal serait peut-être de supprimer le salariat et toutes ses charges. La société Uber nous montre la voie : si nous étions tous petits patrons à négocier « librement » nos prestations de service avec d'autres sociétés ou des clients, le droit du travail serait remplacé par le droit des affaires et le chômage n'existerait  plus. Nous vivrions dans un monde d'associés, de collaborateurs, de gestionnaires. Et nous serions des hommes libres !

Pour libérer les initiatives et doper la création de richesses, le temps de l’adaptation, de l‘évolution sociale, est donc venue car « le pire serait l’inertie ».  Myriam El Khomri, soucieuse de bien faire, toute imprégnée de l’air du temps, exécute, sans état d’âme apparent, mais en voulant faire de la pédagogie, la volonté politique du couple gouvernemental Hollande/Valls.

François Hollande ne veut pas sombrer dans l'immobilisme, il veut bousculer, pousser les feux au maximum, permettre aux entreprises d’exploiter les hommes et la nature  sans règlementation excessive.  Partout, l’objectif doit être  de produire plus et à moindre coût pour favoriser  l’emploi qui est la seule priorité, le sésame pour une réélection devenue improbable. Et  au diable la transition énergétique, Il faut faire feu de tout bois ; les vieux pots nucléaires resteront en service pendant dix ans supplémentaires !

La régression sociale et environnementale est désormais manifeste mais elle n'est  pas assumée. Une communication absurde et provocante persiste à vouloir donner l'impression au peuple  que le navire gouvernemental se dirige vers la gauche quand la barre est à droite toute. La pétition contre la loi El Khomry, qui vient de dépasser le million de signatures, atteste de l’incompréhension et de la colère des citoyens. Le capitaine ne dispose sans doute plus de toutes ses facultés : il est "droit dans ses bottes" mais de traviole dans la tête.

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