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Billet de blog 7 mars 2015

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Trouble républicain en zone humide

Les agriculteurs de la FNSEA qui ont l’ambition de nourrir la planète avaient entrepris cette semaine d’affamer les zadistes de Sivens. Sous le regard bienveillant et goguenard de la gendarmerie, des barrages filtrants avaient été érigés, en toute illégalité, afin de séparer le bon grain de l’ivraie et, accessoirement, de faire pression sur les élus du Conseil général du Tarn.

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Les agriculteurs de la FNSEA qui ont l’ambition de nourrir la planète avaient entrepris cette semaine d’affamer les zadistes de Sivens. Sous le regard bienveillant et goguenard de la gendarmerie, des barrages filtrants avaient été érigés, en toute illégalité, afin de séparer le bon grain de l’ivraie et, accessoirement, de faire pression sur les élus du Conseil général du Tarn. En effet, une réunion du   Conseil général  devait arrêter une solution alternative au projet abandonné après la mort de Rémi Fraisse.  L’accessoire ayant suivi le principal, les bons élus départementaux ont à une écrasante majorité ( 43 voix sur 46) , « gauche » et droite confondues, décidé, vendredi, de satisfaire la trentaine d’irrigants concernés  par un barrage dans la vallée du Tescou. La toute petite minorité de gros agriculteurs assistés du département  - qui pourvoient en travaux la puissante Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne et cultivent  un maïs ultra-subventionné dans des zones qui, compte tenu du changement climatique,  s’assèchent de plus en plus en été  - est arrivée à ses fins. Le projet de barrage est maintenu mais « la retenue d’eau est redimensionnée ». Thierry Carcenac, le président du conseil général, lâchant même, avec un cynisme sidérant : « nous verrons où ce redimensionnement se positionnera ». On ne peut être plus clair dans le flou : ces propos en disent long sur les intentions futures des édiles tarnais.

Et le trouble particulièrement grave à l’ordre public provoqué par l’édification de quelques tentes et cabanes en milieu humide, et abritant des « chevelus », devait aussi immédiatement cesser : les élus ont demandé, et obtenu dans la foulée,  l’évacuation des occupants de la ZAD (Zone à défendre) par les forces de l’ordre . En zone naturelle protégée, la chasse aux naturalistes de tout poil devient décidément   une des préoccupations essentielles des développeurs locaux et du gouvernement.  Manuel Valls avait d’ailleurs promis « une réponse extrêmement ferme de l’Etat » face à ceux qui « ne respecteraient pas l’Etat de droit, qui ne voudraient pas que les choses s’apaisent ».  Les zadistes ont donc été évacués sous les huées des militants de la FNSEA.

Et, comme toujours, la propagande honteuse de Manuel Valls va jusqu’à invoquer « un dialogue suffisamment nourri pour que chacun fasse preuve de responsabilité », justifiant ainsi la pérennisation par les forces armées d’une agriculture destructrice et irresponsable. Le détournement  de la sémantique et de l’argumentaire républicains  (responsabilité, Etat de droit, dialogue avec les élus, etc. . .) pour servir des intérêts privés et corporatistes au détriment des biens communs devient une pratique habituelle de ce gouvernement.  Le trouble républicain succède au trouble à l’ordre public. On sert le libéralisme au nom du socialisme, on pratique une politique de droite en invoquant les valeurs de gauche, on sert l’agriculture industrielle au nom de la paysannerie. . .

Tout cela est, pour le coup, irresponsable, mais aussi contre-productif sur le plan politique : le gouvernement  est au service des agriculteurs du camp adverse et abandonne une base électorale déjà très faible dans les campagnes. Dans les cantons ruraux, un désastre est attendu lors des prochaines élections départementales. Car, l’homo politicus n’est pas l’homo oeconomicus cher au libéraux et qui fait  systématiquement des choix rationnels, réfléchis,  pesant le pour et le contre, comparant les avantages et les inconvénients. L’homo politicus est  avant tout un animal émotif. Ses choix sont  guidés par la tradition, l’appartenance, de plus en plus souvent par  le ressentiment, et bien peu par le raisonnement. En avivant les passions, en tergiversant, en tournant bien souvent le dos aux valeurs reconnues et défendues par son électorat, en rognant toujours plus les restes de notre république,  et en arbitrant au final pour les plus favorisés, le PS perd  sur tous les tableaux. A deux semaines des départementales, il continue à alimenter l’abstention et le vote pour les droites extrêmes.

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