Nous l’avons appris cette semaine : le bilan « médical et biologique » de F Hollande est « normal ». Par les temps qui courent, un peu de normalité à l’Elysée ne nuit pas et les français sont certainement heureux et rassurés d’apprendre, après les péripéties récentes, que la vie de notre président peut présenter de temps à autre des aspects ordinaires. Pour les réconforter pleinement, il faudrait pouvoir publier un bilan de santé encourageant de la société française et de l’action gouvernementale en particulier. Mais là, malheureusement, les choses s’écartent résolument de la normalité, tournent le dos au souhaitable et tiennent davantage du déraisonnable pour ne pas dire de l’insupportable.
Après les innombrables concessions sociales consenties au MEDEF au nom de la compétitivité, ce gouvernement recule cette fois sur un terrain qui ne relève pas de la fiscalité ou d’une problématique économique mais des questions de société ; il cède sur le dernier petit pré-carré qu’il entendait conserver comme gage de son appartenance à la gauche et à la mouvance progressiste : le domaine des préoccupations sociétales, un vivier de réformes avantageux en ces temps de rigueur budgétaire et qui permettait encore aux socialistes de se démarquer à bon compte de leurs challengers libéraux de droite, sans compromettre les comptes publics et les marges des entreprises. Il a suffi que quelques ultras et catholiques intégristes battent le pavé parisien lors de « la manif pour tous » pour que F Hollande et Jean-Marc Ayrault, habités par l’esprit de modération et de synthèse, effrayés par leur audace potentielle, pourtant encore bien contenue, prennent peur et décident de reporter le projet de loi sur la famille. A la veille des élections municipales, ce nouveau geste en direction d’une droite qui se radicalise et renoue avec ses vieux démons réactionnaires déstabilise les troupes socialistes en ordre de bataille. Le fameux pragmatisme « hollandien » ressemble de plus en plus à de la couardise. Certains députés de la majorité, habituellement si serviles, si soumis, si prompts à cautionner et à justifier la politique libérale du gouvernement, semblent retrouver à cette occasion un regain de pugnacité. Voter en permanence des textes de loi qui auraient pu déposés par la droite finit par être déprimant ; les occasions sont si rares de renouer avec un certain lyrisme républicain qu’il est terriblement frustrant de devoir rentrer dans le rang une nouvelle fois : libéraux certes, mais au moins qu’il leur soit permis d’être libéraux-libertaires ! A l’instar de Dominique Bertinotti, ministre de la famille, ils sont prêts à s’écrier, montés sur leurs ergots : « Simplement nous n’avons pas à en rabattre sur nos valeurs républicaines, et nous n’avons pas à en rabattre sur nos valeurs de gauche ». Mais, malheureusement, Il n’y a guère que face aux écologistes que ce gouvernement n’en rabatte pas. Et, de toutes façons, cette petite poussée de fièvre progressiste de la part de quelques parlementaires socialistes – qui peut apparaître opportuniste et électoraliste mais aussi décalée par rapport aux aspirations d’une population sacrifiée sur l’autel de la rigueur et de la compétitivité – ne saurait faire oublier les compromissions passées. On ne rachète pas par quelques avancées sociétales le passif d’une politique publique. Les socialistes sont d’ores et déjà coupables et condamnés par une bonne partie de l’électorat. Pour eux, le bilan de santé qui sera publié à l’issue des municipales et des européennes, après deux ans d’un pouvoir sans partage, s’annonce catastrophique.