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Billet de blog 9 octobre 2016

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À grande vitesse dans une impasse

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L’appareil d’Etat français et sa technocratie sont dans bien des cas, et notamment pour tout ce qui concerne les grandes décisions technico-économiques qui modèlent  notre vie quotidienne, sous la domination effective des ingénieurs issus des grands corps dont l’expertise dicte le choix des politiques. Et cet appareil d’Etat a une facheuse propension à l’entêtement, voire à l’aveuglement,  quand il estime qu’il y va de « l’intérêt supérieur de la nation », défini le plus souvent par une toute petite oligarchie. Notre tissu industriel porte l’empreinte de ce fonctionnement clanique et déséquilibré. De nombreuses filières pâtissent de décisions prises en petit comité par de beaux esprits qui ont à cœur de développer  leur logique jusqu’au bout.  Nos brillants ingénieurs   s’entichent  pour de beaux objets technologiques pour lesquels ils  adaptent  ensuite l’ensemble du marché, contre vents et marées, et quels qu’en soient les coûts environnementaux et sociaux.  Très vite, ces technologies de pointe obtiennent une position de quasi-monopole qui  fragilise l’ensemble d’un  secteur. Dans la nature, la spécialisation des espèces résulte  d’une lente adaptation à leur environnement ; dans notre univers technocratique, c’est tout le contraire qui se passe  : le milieu doit s’adapter à une forme de spécialisation outrancière décidée par nos élites.  André Gorz parlait de « techologies verrous » pour désigner les technologies « qui asservissent l'usager, programment ses opérations, monopolisent l'offre d'un produit ou service ». Le nucléaire en est l’exemple le plus caricatural et emblématique mais « le tout TGV » qui a progressivement dévoré la SNCF et son résau en accaparant l’essentiel des investissements  est aussi, comme le montre l’actualité, un modèle  de développement qui finit par déboucher sur des impasses.

Le TGV qui a gangréné progressivement tout notre espace ferroviaire prend désormais en otage la SNCF et ses usagers ainsi que  les politiques.

 Le sauvetage en urgence absolue par le gouvernement du site industriel d’Alstom à Belfort, menacé de fermeture, obéit à un impératif catégorique : il est, selon Manuel Valls, « hors de question que le site ferme ». L’usine,  spécialisée dans  la fabrication de rames TGV , fait partie de nos emblèmes industriels nationaux et, dans une  période électorale difficile, la perte très médiatisée de quatre cents emplois n’est pas envisageable. L’Etat tente donc de contrecarrer dans la précipitation  les effets  désastreux d’une politique ferroviaire inadaptée. Une commande administrative de nouvelles rames va permettre de gagner du temps, au moins jusqu’à l’échéance de mai 2017. Ces trains ne répondent pas à un besoin actuel de la SNCF  et circuleront sur des lignes TET ( Trains d’équilibre du territoire) qui ne permettent pas la grande vitesse mais peu importe, ils sont nécessaires à la communication du futur candidat Hollande.

Certes, grâce à cette commande express, des emplois sont sauvés provisoirement et les usagers des lignes TET  pourront profiter du confort des rames TGV durant les arrêts intempestifs et  les ralentissements qui affectent de plus en plus fréquemment les trajets sur un réseau mal entretenu et désorganisé mais ce surcoût d’exploitation risque de détériorer encore davantage les comptes de la SNCF et d’entraîner sur le long terme des suppressions d’emplois bien plus importantes. Le piège de cette technologie verrou s’est refermé sur le gouvernement et le condamne à une fuite en avant ( comme dans le nucléaire où pour maintenir des emplois, des décisions particulièrement dangereuses sont prises) qui ne peut qu’accentuer les problèmes au lieu de les résoudre.

En principe, le rôle de l’Etat est de rendre des arbitrages désintéressés, favorable à la communauté dans son ensemble qui prennent en compte le temps long. Dans ce dossier,  c’est tout le contraire : l’Etat  privilégie outrageusement  le court terme  en donnant l’impression de travailler pour le long terme. C’est hypocrite, démagogique, et sans avenir.  l’Etat socialiste se décrédibilise une nouvelle fois  et donne des arguments à tous ceux qui considèrent  que le monde économique doit rester strictement l’affaire du privé.

Comme dans bien d’autres secteurs, le désengagement del’Etat, son volontarisme dévoyé et son manque d’ambition véritable pour soutenir  le service public aboutissent à une inefficacité et à une désorganisation qui donnent des arguments supplémentaires à tous les tenants de l’idéologie libérale.

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