Aux Etats-Unis comme en France, les choix politiques sont le plus souvent des pis-aller : Barack Obama vaut assurément mieux que Mitt Romney et sa réélection constitue en cela un soulagement et un motif de satisfaction pour beaucoup d’électeurs américains et, au-delà, pour beaucoup d’autres citoyens du monde. Mais la grande ferveur populaire de 2008 a disparu car l’espoir d’une Amérique nouvelle s’est depuis longtemps dissipé ; les engagements de la première campagne d’Obama ont été considérablement revus à la baisse au cours de son mandat quand ils ne sont pas restés tout simplement lettre morte. Dans le domaine de la politique extérieure en particulier, l’attribution du Prix Nobel de la paix au Président américain s’est révélée singulièrement inopportune. Aujourd’hui la désillusion et le scepticisme dominent et il est difficile de ressentir une quelconque empathie avec les militants démocrates qui s’enthousiasment encore pour leur candidat.
Le système politique américain est fondamentalement corrompu et ne peut produire que des politiciens conditionnés et soumis aux lobbies les plus puissants. Le locataire de la Maison blanche qui reçoit des dons de plusieurs centaines de millions de dollars pour financer sa campagne ne peut faire exception; le « yes we can » était une exhortation gratuite. Le rêve américain n’est plus qu’un mythe trompeur qui sert à justifier des inégalités effarantes. Aujourd’hui la société américaine est bloquée, la liberté d’entreprendre ne favorise plus que les puissants, les faibles sont enfermés dans des ghettos et les inégalités se creusent toujours davantage. La richesse peut s’étaler sans vergogne quand la pauvreté reste un signe de culpabilité. L’obsession de la réussite individuelle, l’esprit de compétition, la liberté des plus forts écrasent impitoyablement les faibles et les inadaptés. Et tout cela avec la bénédiction de Dieu !
Les Etats-Unis sont une nation dangereuse, dangereuse pour les citoyens américains, dangereuse aussi pour les autres.
Quand Obama déclare avec arrogance : « Pour les Etats-Unis, le meilleur est à venir….nous vivons dans la plus grande nation sur terre, Dieu bénisse les Etats-Unis », il incite implicitement les autres nations à courber la tête car le Président des Etats-Unis ne se préoccupe que du niveau de vie des américains , qui « n’est pas négociable » comme chacun le sait depuis l’avertissement de G Bush au sommet de Rio en 1992. « La plus grande nation sur terre » satisfait son appétit immense en consommant à crédit et en s’appuyant souvent sur l’asservissement et la prédation. La liberté américaine ne reconnaît que ses propres limites et ne supporte pas la contrainte extérieure.
Et ce pays béni des dieux fait valoir ses droits non négociables :
- soit par la force comme en Irak ou en Afghanistan, au mépris des institutions internationales
- soit plus insidieusement par le biais d’une guerre idéologique et commerciale dans le cadre d’accords de libre-échange ( toujours la liberté) négociés et rédigés sous la férule d’experts américains de façon à imposer l’affairisme tranquille des multinationales US. Ses voisins les plus proches, le Mexique et le Canada, souffrent ainsi, dans le cadre de l’ALENA ( Accord de Libre Echange Nord Américain), d’une domination froide et juridique qui tend à restreindre progressivement leur autonomie dans des domaines aussi vitaux que l’alimentation ou la ressource en eau. L’exemple mexicain est particulièrement révoltant (voir ici)
Ce modèle sans auto-limitation, basé sur une prétendue liberté individuelle mais avant tout sur la compétition et une consommation forcenée des plus riches, n’est évidemment pas viable à l’heure du réchauffement climatique et dans un environnement de plus en plus contraint. Mais le capitalisme dispose de la force corruptrice du capital et il étend encore sa toile en soumettant à son emprise des populations de plus en plus nombreuses. Le modèle américain nous menace aussi de l’intérieur.
En France comme aux Etats-Unis, le marché et l’argent finissent par dicter ostensiblement leurs lois aux gouvernants et décideurs politiques. Tout comme les démocrates succèdent aux républicains en gardant les mêmes conseillers à la Maison Blanche, « la gauche » socialiste applique avec fierté et conviction les mêmes recettes que la droite pour gouverner le pays. D’ailleurs, le capital qu’il convient de servir avec zèle n’a pas l’idéologie mal placée : il ne fait pas la distinction entre le rose et le bleu et le MEDEF se satisfait de « la démarche résolument de gauche » engagée au travers du nouveau pacte de compétitivité. La compétition, la liberté d’entreprendre et de distribuer des dividendes, de chaque côté de l’Atlantique, c’est bien cela l’essentiel !