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Billet de blog 10 janvier 2016

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Après les balles

Cette semaine, les cérémonies de commémoration prennent une résonance particulière après les attaques terroristes du 13 novembre. François Hollande est retourné sur les lieux honorer un devoir de mémoire qui sert sa politique ; il faut réactiver la tragédie, perpétuer le traumatisme, mettre en spectacle afin de mettre sous tutelle.

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Il y a un an, les attentats de janvier 2015 inauguraient notre entrée en guerre contre le terrorisme et une nouvelle étape du quinquennat de François Hollande. Un président déprécié et impopulaire était  subitement revalorisé  et, dans le désarroi du moment, promu père du peuple, garant de l’unité nationale et d’une laïcité intransigeante, nouvelle valeur phare de la République.

Cette semaine, les cérémonies de commémoration prennent une résonance particulière après les attaques terroristes du 13 novembre. François  Hollande  est retourné sur les lieux honorer un devoir de mémoire qui sert sa politique ; il faut réactiver la tragédie, perpétuer le traumatisme, mettre en spectacle afin de mettre sous tutelle. Le président a posé des  plaques, distribué  quelques légions d’honneur à  titre posthume, glorifié le métier de policier. Les victimes de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher sont tombées sur un champ de bataille que le pouvoir entend maintenant  labourer régulièrement et  avec méthode.                                                                                                                                                                     

Mais, au lieu d’affronter le fondamentalisme religieux dans l’unité et le respect des valeurs républicaines, François Hollande  choisit de semer les graines de la discorde et emprunte la voie de l’indignité et du déshonneur.

L’esprit Charlie, porté sur les fonds baptismaux lors de la grande manifestation du  11 janvier, marquée par la présence de bien mauvaises fées, s’est dégradé très vite. Corrompu et instrumentalisé dès sa naissance, il  n’en finit pas de trahir les valeurs dont il se réclame. Ce pouvoir socialiste possède décidément l’alchimie de la transmutation politique et pervertit tout ce qu’il touche.

Avant les balles, il y avait déjà la discrimination d’une politique de la ville qui  a alimenté et conforté, année après année, le sentiment d’exclusion et de relégation des  jeunes banlieusards issus de l’immigration.  Il y avait déjà des zones en marge de la République par bien des aspects, en marge de l’emploi tout d’abord mais aussi en marge de l’Etat de droit : dans ces banlieues défavorisées, dans ces territoires abandonnés, livrés aux trafics et sous l’emprise des caïds, dans ces Far-West français, les délinquants mais aussi parfois les agents de la force publique faisaient  régner une forme de terreur ; une violence sans véritable contrôle s’était installée. Démunis, désemparés, les politiques locaux avaient abandonné le terrain aux religieux.

Avant les balles, il y avait l’aveuglement et l’irresponsabilité de l’Etat, incapable d’appréhender et d’endiguer la montée d’un djihadisme souterrain gangrénant et fanatisant progressivement ces poches d’exclusion de la République. 

Avant les balles, pour beaucoup de français, la liberté, l’égalité, et  la fraternité, n’étaient déjà que des mots arrogants ; la République était bien malade.

Des terroristes, pourtant fichés et théoriquement surveillés, sont passés à  l’acte. . .

 Et, après les balles, cet Etat défaillant se déclare en guerre et proclame l’état d’urgence qu’il menace désormais de rendre ordinaire. La surveillance des citoyens est généralisée et tend à dissuader toute forme de manifestation.

 Après les balles, François Hollande propose maintenant d’introduire  dans la loi la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables d’actes terroristes. La France créerait ainsi  une forme d’apartheid juridique distinguant une communauté de justiciables  particulière, en marge, susceptible de perdre la totalité de ses droits nationaux. Par calcul politicien, François Hollande veut introduire  une inégalité de statut et de traitement entre Français, au cœur même de notre constitution, sans aucune efficacité pratique. En expert de basse politique,  il distrait et égare la population sans apporter de solutions aux vrais problèmes.

 Après les balles, Le Parlement s’apprête à voter toute une panoplie  de lois répressives et liberticides afin de faciliter le travail des autorités administratives et  notamment de la police qui s’affranchit de plus en plus du contrôle judiciaire. 

 Après les balles, pour combattre le terrorisme, on abaisse le droit pour consacrer la violence d’Etat.

  «  La défense des valeurs républicaines », « l’Etat de droit »,  « la belle démocratie » . . .  nos gouvernants tentent de maquiller avec des  slogans une République agonisante qui s’enlaidit et qui présente aux yeux du monde une face de moins en moins attrayante. Et le peuple français, trahi par ses parlementaires,  demeure étrangement passif.

Le changement de régime, le basculement vers l’Etat policier s’opère, il est vrai, sous antidépresseur.

La commémoration des attaques terroristes  coïncide avec le début des soldes, plus grande manifestation laïque de ce début d’année - celle-là est  autorisée et encouragée - et puissant dérivatif à l’ambiance morose. Le ministre Emmanuel Macron, arborant un large sourire commercial, est allé célébrer ce grand évènement au centre  Beaugrenelle. Nous sommes libres de consommer et de travailler le dimanche, n’est-ce pas cela le plus important ?!  

D’une manipulation à l’autre les citoyens ont peut-être encore l’impression de vivre en République et en démocratie.

« Il y a un état d'urgence sécuritaire mais aussi un état d'urgence économique et social. » Il faut pouvoir consommer en sécurité et en bon citoyen ;  Il faut stimuler  la machine économique, nourrir la croissance en subissant la douce tyrannie des marques et applaudir à la mise en place de l’Etat sécuritaire en attendant le prochain affaissement de notre droit social.

Et la violence gagnera encore sur le droit. . .

 Après les balles,  tout cela est bon pour Daesh. . .

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