« Il faut pas amalgamer la fraude fiscale et l’utilisation du Panama ». . . Au lendemain des révélations contenues dans les « Panama Papers », Pierre Gattaz, le président du MEDEF, suggère sans doute de ne pas confondre optimisation et fraude fiscale. Plutôt que de stigmatiser, mieux vaut tenter de comprendre le désarroi de certains contribuables : les taux d’imposition confiscatoires dont sont victimes les grandes fortunes en France constituent une oppression qui les incite à fuir vers des contrées plus clémentes. Comme beaucoup d’autres pays, le Panama est une zone refuge pour les migrants fiscaux. En zones offshores, ces grands opprimés sont à l’abri d’une discrimination indigne et peuvent sauvegarder leurs capitaux, sous la protection et les conseils avisés des grandes banques. Et les candidats à l’exil sont nombreux, générant des profits particulièrement appréciables et recherchés pour les conseilleurs.
Selon la Société Générale qui aurait créé, à l’instar d’autres grandes banques, des centaines de sociétés spécialisées au Panama par l’intermédiaire du cabinet d’avocats Mossack & Fonseca , ces activités sont marginales et effectuées « dans le respect des règles en vigueur en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ». Pour une certaine engeance, les pratiques mafieuses qui coûtent chaque année des dizaines de milliards d’euros au budget de l’Etat, bien que dissimulées, restent transparentes et tout à fait légales, de même que les évidences ne constituent jamais des preuves. L’arrogance de nos banquiers est désormais sans limite : à la tête d’établissements monstrueux où un affairisme dévoyé prend appui sur les dépôts des ménages, ils savent depuis 2008 que leurs errements leur seront toujours pardonnés. Quand un petit contribuable omet de déposer à temps son chèque à la perception, l’évidence du retard est sanctionnée immédiatement par une pénalité mais quand la Société Générale utilise des sociétés offshore afin d’aider ses clients à se soustraire à l’impôt, la faute est moins évidente, moins flagrante, d’autant plus que la banque affirme « respecter strictement toutes les règlementations des pays dans lesquels elle est implantée». Il y a là, convenons-en, une présomption forte de légalité !
Avec cette nouvelle affaire, l’injustice fiscale qui ronge notre société s’étale une nouvelle fois au grand jour. Le gouvernement, embarrassé, s’empresse de réintégrer le Panama dans la catégorie des paradis fiscaux et demande des comptes à Frédéric Oudéa, le PDG de la Société Générale. Michel Sapin convoque, exige, contrôle, réprimande, mais un peu tard . . . Les banques ne sont évidemment pas les seules responsables de cette situation. La maladie s’est développée sur un terrain favorable : la finance ne s’est pas heurtée à l’ennemi susceptible de la faire reculer. Depuis 2012, François Hollande mène une politique marquée par la duplicité et l’hypocrisie. Derrière une communication tapageuse et un affichage volontariste - la lutte contre la fraude fiscale est une priorité depuis 2012 -le bras armé de notre administration fiscale reste défaillant et trop souvent impuissant. La conservation d’outils permettant l’évasion fiscale - le gouvernement socialiste s’était bien gardé, jusqu’à ce que l’actualité ne l’y contraigne, de revenir sur la décision de N Sarkozy de sortir le Panama de la liste noire des paradis fiscaux - et les nombreuses possibilités d’optimisation de la feuille d’impôts pour les grandes fortunes s’inscrivent dans la continuité d’une politique contraire aux intérêts du plus grand nombre et notamment des plus faibles.
François Hollande n’a pas tenu sa « promesse ( n°07.2) d’ « interdire aux banques d’exercer dans les paradis fiscaux » mais il a par contre maintenu toute la pression qui s’exerce sur le militantisme syndical. L’amnistie sociale – visant à amnistier les délits commis lors de mouvements sociaux – n’a pas eu lieu et la criminalisation des mouvements revendicatifs, sous la pression des milieux d’affaires, se poursuit de plus belle, état d’urgence aidant. A Bordeaux, les salariés de Ford Blanquefort viennent d’être convoqués au Commissariat central pour être entendus dans le cadre d’un dépôt de plainte de Ford France concernant des dégradations commises lors du Mondial de 2012 et du salon de Francfort de 2014.
Il y a bien longtemps que les sentiments d’injustice et de dépit n’avaient été aussi forts dans la population.
En 1789, la France rurale, en période de disette, continuait de payer la taille et la gabelle tandis que la cour royale et les fermiers généraux menaient grand train.
Toutes proportions gardées, nous en sommes toujours là aujourd’hui. Mais la liste des « Nuits debout » s’allonge chaque jour un peu plus ; c’est aussi une France « en marche » !