Un petit zeste de démocratie tous les cinq ans dans un cocktail technocratique devenu largement imbuvable voire toxique ,: les élections européennes qui vont se dérouler dans deux semaines redonnent la parole aux citoyens l'espace d'un dimanche mais, évidemment, depuis le référendum de 2005 sur la constitution européenne et le coup de force qui suivit ce malheureux essai de consultation populaire, nous savons tous que l'Europe se construit la plupart du temps sans nous et bien souvent contre nous. L'Europe de Maastricht, l'Europe de Schoengen, l'Europe du traité de Lisbonne s'emboîtent à la façon des poupées russes pour nous imposer non pas une Europe des peuples souverains mais une Europe des marchés triomphants. En France, après l'élection de François Hollande, le gouvernement socialiste avait promis une réorientation de la politique européenne : on allait renégocier le TSCG, on allait instituer de réels mécanismes de solidarité entre les Etats afin de soutenir l'économie des pays très endettés, on allait mettre en place une taxation des produits financiers, on allait aussi combattre la Finance au-delà du territoire national. . . On sait ce qu'il est advenu de ces promesses européennes. . .
L'Europe est désormais mal-aimée car, si elle offre des opportunités pour les grandes entreprises, pour les puissants, pour quelques étudiants favorisés, elle est assez largement perçue comme une source de difficultés et de dumping social pour les humbles, pour les petits, pour la grande masse des travailleurs ; l'UE est un outil de domination supplémentaire du capital.
A la veille de l'échéance, il convient malgré tout de restituer un peu de tonus au sentiment européen ; F Hollande n'hésite pas à évoquer à nouveau une Europe « qui, à partir de la zone euro, redonne de la force à l’économie, met fin à l’austérité aveugle, encadre la finance avec la supervision des banques, fait de son grand marché un atout dans la mondialisation et défend sa monnaie contre les mouvements irrationnels ». Nos dirigeantssocialistes communiquent aussi sur la prochaine instauration d'une taxe Tobin en Europe alors même que le rendement et l'assiette de cette taxe paraissent dores et déjà avoir été revus considérablement à la baisse, devenant ainsi d'après Philippe Lamberts, un eurodéputé belge du groupe des Verts, un « exercice de communication » des États membres, « qui n'a pour seul mérite que de confirmer leur absence totale d'ambition dans ce dossier, ainsi que leur perméabilité au lobbying de l'industrie financière ».
Les socialistes peuvent bien continuer à jeter de la poudre aux yeux des électeurs, « réorienter » encore et toujours la politiqueeuropéenne, promettre le changement pour demain, ils restent désespérément eux-mêmes. Qui peut encore leur accorder quelque crédit ? Il leur suffit de clamer qu'ils sont pro-européens pour grossir le clan des « anti » et gonfler les rangs de tous les nationalistes.
En fait, l'UE et le PS sont des sinistrés du libéralisme : est-ce l'Europe qui suit la même pente que le socialisme ou est-ce le projet socialiste qui s'épuise, s'étiole, asphyxié peu à peu par le corset libéral européen ? C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule, et peu importe.
Les responsables de la faillite du modèle européen sont connus : ce sont les mêmes dirigeants politiques, les mêmes technocrates, les mêmes députés libéraux et sociaux-libéraux (du Parti populaire européen et de l'Alliance des Socialistes et Démocrates au Parlement européen) qui construisent la France et l'Europe dans lesquelles nous vivons. L'Europe est le reflet de ces décideurs et de leur dogmatisme libéral.Sous l'emprise des lobbies patronaux, elle perd de vue l'intérêt général et dérive vers un totalitarisme larvé à l'image du processus de négociation, totalement opaque, utilisé pour le traité TAFTA avec les Etats-Unis. L'Europe n'est plus qu'un marché de consommateurs à la disposition de groupes transnationaux, un instrument de négociation pour des entreprises qui rêvent de marchés mondiaux : je te donne le marché européen, tu me donnes le marché nord-américain et, en cas de problème, nous irons devant des arbitres privés. Les dirigeants d'entreprise ne peuvent rêver d'un processus de déréglementation plus abouti !
Pour les citoyens européens qui aspirent à un minimum de démocratie, de dignité et de souveraineté, il faut impérativement résister. A la gauche du PS, il existe encore un arc-en-ciel de partis qui peuvent nous donner l'espoir qu'après la pluie vient le beau temps.