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Billet de blog 10 octobre 2021

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Le numérique, levier ou obstacle pour la transition écologique et sociale ?

Le numérique est une technologie particulièrement invasive qui affecte profondément le fonctionnement des sociétés. L’actualité récente nous le rappelle de façon éclatante pour un secteur qui indéniablement présente une utilité et des aspects positifs mais qui cache aussi une face particulièrement sombre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme toutes les grandes inventions ou avancées technologiques, le numérique a envahi notre univers quotidien ; son développement, la multiplication de ses applications et de ses usages, constitue sans aucun doute l’un des faits marquants du début du XXIème siècle. 

Avec le numérique, plus encore qu’avec d’autres outils, il ne peut être question de rester à l’écart du progrès. Le numérique s’impose dans nos vies, dicte sa loi, nous contraint par son omniprésence et l’impossibilité de faire autrement ; ce n’est pas un choix, c’est devenu une obligation de moyen qui s’impose à tous. 

D’innombrables actes du quotidien imposent désormais de savoir se débrouiller avec un ordinateur ou un téléphone portable, de connaître les différentes fonctions d’un clavier, de savoir télécharger des applications - ne serait ce par exemple que pour s’acquitter de toutes les obligations liées à la crise du Covid -  de maîtriser des logiciels, etc.

À tout moment, il est nécessaire de  passer par un interface numérique pour communiquer avec autrui ou s’adapter à son environnement. 

Le numérique est une technologie particulièrement invasive qui affecte profondément le fonctionnement des sociétés. Il est donc particulièrement important, vital même, de soumettre ce type de technologie au contrôle citoyen, à la décision démocratique, afin d’éviter toute dérive et notamment son appropriation, sa domination par toute forme de pouvoir, politique ou économique, malveillant ou trop intéressé car comme le remarquait A. Gorz dans son ouvrage La vie, la nature, la technologie paru en 1990 : « il n’y a pas de déterminisme technologique positif : pas de technologie bonne en soi qui impose l’émancipation, la libération des usages »

L’actualité récente nous le rappelle de façon éclatante pour un secteur qui indéniablement présente une utilité et des aspects positifs mais qui cache aussi une face particulièrement sombre.   

Pendant la crise du Covid et en particulier durant les vagues épidémiques, les avantages et facilités des  technologies numériques ont permis de mieux supporter les énormes difficultés de communication  engendrées par la distanciation sociale. Dans l’enseignement, la continuité pédagogique a été maintenue en partie grâce au numérique et à la possibilité de fonctionner en visioconférence. 

Mais, à l’opposé, les révélations de Frances Haugen (Lire ici), ancienne informaticienne de Facebook, mettent une nouvelle fois en lumière les dérives et méfaits potentiels d’un secteur sous la domination de sociétés particulièrement puissantes - ce qu’il est convenu d’appeler les GAFA -  et le danger considérable que représente un outil aussi  invasif dans un système néolibéral capitaliste animé par la recherche du profit.

Devant  la Commission du Sénat américain, Frances Haugen n’hésite pas à déclarer que « face à des conflits d’intérêts, entre ses profits et la protection des utilisateurs, Facebook choisissait de façon répétée ses profits ». Ce qui signifie que pour augmenter son chiffre d’affaires en faisant plus d’argent grâce à la publicité, Facebook a pour objectif de prolonger le plus possible le temps d’utilisation de sa plateforme par les utilisateurs.

Mais Mark Zuckerberg, grand patron capitaliste, ne fait que suivre la logique inhérente du système. Dans une société capitaliste de croissance, un bon compétiteur doit augmenter sans arrêt son  chiffre d’affaires et engranger toujours plus de profits, rien d’étonnant donc que  les ingénieurs système de Facebook soient mobilisés pour concevoir des algorithmes permettant d’augmenter la fréquentation et de prolonger la durée de connexion au site. 

Dans l’univers du numérique comme ailleurs, c’est la logique du toujours plus qui prévaut.  Toujours plus de “like”, toujours plus de “tweets”, toujours plus de “chat”, toujours plus de selfies, toujours plus de réseaux sociaux pour une communication le plus souvent insignifiante, toujours plus de téléchargements en tous genres, toujours plus d’écume sur la toile  dans une connexion frénétique.

Le numérique s’emballe, et le déploiement annoncé de la 5G va encore amplifier le phénomène en créant de nouveaux usages et en intensifiant une connexion déjà délirante mais aussi potentiellement dangereuse. Car à côté du babil numérique, il y a aussi le harcèlement, les propos haineux ou diffamatoires, la désinformation, etc 

Ce développement non maîtrisé et non régulé  est totalement inacceptable quand il touche des jeunes et de façon aussi sournoise. 

Pour des cerveaux immatures, jeunes, malléables, manquant de repères, encore inaptes à la critique éclairée, souvent incapables de discerner le vrai du faux, Internet sans accompagnement, sans guide, est un labyrinthe remplie de pièges et de chausse trappes où les esprits s’égarent ou se font piéger, les consciences insuffisamment préparées et trop poreuses au monde s’étouffent au lieu de se développer. 

Internet et les réseaux sociaux sont des outils formidablement ambivalents ils peuvent certes contribuer à créer du lien social mais ce sont aussi de formidables amplificateurs et accélérateurs des communautarismes de toute nature, destructeurs du ciment social car ils contribuent à exacerber les particularismes et à rendre plus difficile l’apprentissage d’un socle culturel commun, absolument indispensable pour faire tenir l’édifice sociétal.

Le numérique peut aider à diffuser la connaissance mais peut aussi être une grande lessiveuse, essoreuse des esprits.

Les conséquences psychologiques et sociales de l’utilisation intensive du numérique pose problème mais les dégâts de ce secteur sur l’environnement sont encore plus inquiétants.

Présenté sur le site du ministère de la Transition écologique comme un levier potentiel de la transition écologique, le numérique est au contraire un secteur très énergivore et particulièrement polluant qui utilise des métaux  rares ( dont l’exploitation est vorace en énergie et destructrice de l’environnement (Lire ici) ), consomme de plus en plus d’électricité, le secteur absorbanr déjà  environ 10% de la consommation  mondiale d’électricité.

Ce n’est pas  un levier potentiel de la transition écologique mais au contraire un obstacle supplémentaire à un développement durable respectueux de l’homme et de la nature. La transition écologique ne peut passer que par une réduction de notre consommation globale d’énergie et d'électricité en particulier.  

Pour satisfaire une demande appelée  à grimper, les énergies dites renouvelables comme le solaire ou l’éolien sont souvent présentées comme des énergies vertes, tout simplement parce qu’elles n’émettent pas de CO2 lorsqu’elles sont en production mais qui n’en constituent pas moins une menace terrible pour l’environnement. 

Avec une production qui reste excessivement centralisée et assurée par des grands groupes également adeptes du toujours plus, les champs d’éoliennes et de panneaux solaires se multiplient, affectant les paysages et notre environnement comme en témoigne le projet de parc solaire géant sur la commune de Saucats en Gironde où mille hectares de pins maritimes vont être défrichés pour y installer des panneaux solaires (Lire ici).

Le numérique peut-il vraiment être un levier au service de la transition écologique ? Il est permis d’en douter !

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