"Je viens chaque année, il n'y a pas de raison en 2012 de modifier ce qui est pour moi un rendez-vous avec les juifs de France" , propos tenus par François Hollande, au dîner du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) , le 8 février 2012.
Pourtant est-ce trop demander à un candidat qui souhaite présider une République laïque et apaisée qu’il se tienne à distance d’ une organisation qui « doit un soutien inconditionnel à Israël » et qui s’aligne systématiquement sur les positions du gouvernement raciste et religieux de Netanyahu ?
Est-ce trop demander à un républicain de ne pas flatter un communautarisme particulièrement sectaire et exigeant, usant de pressions de tous ordres pour imposer ses vues et une représentation formatée de l’Etat israélien dans l’opinion publique ?
Est-ce trop demander à un homme politique qui prétend incarner une certaine modération de ne pas privilégier le dialogue avec les fondamentalistes de la communauté juive au mépris de la cause palestinienne et en prenant le risque d’aviver les conflits et les tensions au sein de la société française?
Enfin, dans un registre différent, est-ce trop demander à un homme censé représenter la gauche au deuxième tour de l’élection présidentielle qu’il ne se mette pas en position de devoir écouter complaisamment le discours de Nicolas Sarkozy, invité d’honneur de cette manifestation et -alors que rien ne l’y oblige- de saluer, tout sourire, le Président en exercice en plaisantant avec lui dans une vraie ou fausse connivence qui ne peut que froisser ou choquer son électorat ?
D’autres que François Hollande (à l’instar d’Eva Joly, de Jean-Luc Mélenchon ou même de François Bayrou) ont adopté une attitude plus distante, plus républicaine, en déclinant l’invitation ou en montrant une indépendance d’esprit vis-à-vis des thèses et des prises de position du CRIF de nature à les ranger dans la catégorie des « persona non grata ».
Evidemment, comme le rappelle P Moscovici, «Ce n’est pas parce que l’on se rend à ce dîner que l’on partage les positions du CRIF» mais, au-delà des apparences immédiates, la participation de François Hollande à cet évènement mondain traduit en fait un véritable engagement et un alignement du PS sur les positions du CRIF. Le compte rendu d’une réunion organisée le 25 janvier dernier entre une délégation du CRIF et le PS au QG de campagne de François Hollande est édifiant
A la lecture de ce texte publié sur le site du CRIF et reproduit ci-dessous, on constate avec stupeur que l’amalgame entre antisémitisme et antisionisme est validé par François Hollande (on peut légitimement supposer que le compte-rendu a été soumis au candidat avant publication). Le leader de la gauche «bien pensante » ne peut pourtant ignorer que cette assimilation relève d’un contre-sens historique et appuie une position totalitaire qui exclut et criminalise toute critique de la politique israélienne dans les territoires occupés. Même s’il est difficile d’en tirer des conclusions définitives sur ce que pourrait être la politique étrangère au Proche-Orient de François Hollande, la tonalité générale de cette entrevue est particulièrement inquiétante et elle augure mal d’un infléchissement notable de la politique Proche-Orientale de la France. Le drame des palestiniens qui subissent la colonisation et l’apartheid israéliens et qui sont confrontés à un véritable déni de justice internationale mériterait pourtant un changement radical d’approche.
Mais, sans doute, est-ce ,là encore, trop demander à François Hollande.
Compte-rendu de l’entrevue entre une délégation du CRIF et François Hollande ( visible sur le site du CRIF)
Une forte délégation du CRIF conduite par le président Richard Prasquier a été reçue le 25 janvier 2012 au Q.G. de campagne du candidat socialiste à l’élection présidentielle, avenue de Ségur dans le 7ème arrondissement de Paris.
« François Hollande a souligné que si Israël est l’objet de tant de critiques c’est qu’il constitue une grande démocratie »
Dans une ambiance chaleureuse, conviviale et franche, les sujets les plus divers ont été abordés : le prochain dîner du CRIF, la laïcité, l’école juive, les crèches, l’abattage rituel, les problèmes liés aux signes distinctifs religieux dans l’espace public, l’antisémitisme et l’antisionisme, le boycott d’Israël, les relations judéo-musulmanes ou encore la montée du Front national ;
Richard Prasquier a rappelé que le CRIF est très attaché à la laïcité comme à la loi de 1905 et qu’il n’est pas favorable à l’idée d’Eva Joly d’un jour férié national pour le Yom Kippour. Pour ce qui est de l’antisémitisme, si, globalement, on ne constate pas d’augmentation des actes par rapport à l’an passé, il convient de souligner une multiplication par dix en douze ans.
Sur cette délicate question, le candidat socialiste a assuré le CRIF de son engagement de fermeté contre les actes antisémites et antisionistes. Il compte mener des actions énergiques dans les domaines de l’éducation, de la pédagogie et de l’information. « Je ne laisserai rien passer » a-t-il affirmé.
À propos de l’école juive, François Hollande a assuré que la loi Debré ne serait pas remise en question. Et, pour ce qui est de la violence, il se prononce pour la formation d’éducateurs spécialisés dans la prévention.
Concernant le Proche-Orient, François Hollande a souligné que si Israël est l’objet de tant de critiques c’est qu’il constitue une grande démocratie. C’est sans doute, a-t-il ajouté, au PS que l’on trouve le plus grand nombre d’amis d’Israël et du peuple juif. François Hollande, qui a confirmé la prochaine visite en Israël de Laurent Fabius, a fait part à ses hôtes de l’invitation à visiter Israël de la nouvelle présidente du parti travailliste, Shelly Yachimovitch.
Le président du CRIF était accompagné de Haïm Musicant, directeur général, d’Ariel Goldmann et Meyer Habib, vice-présidents, de Francis Kalifat, trésorier, de Roger Benarrosh, vice-président honoraire, de Nathalie Cohen-Beizerman, Jean-Pierre Allali, Yonathan Arfi, Arié Bensemhoun, Marc Zerbib, membres du bureau exécutif et d’Ariel Amar, conseiller du président.
Pour sa part, François Hollande était entouré de Pierre Moscovici et de Manuel Valls.