Le vote jeudi dernier par le Parlement d’une proposition de résolution demandant l’abrogation de la réforme des retraites constitue à n’en pas douter, même si cela reste symbolique, un camouflet pour le pouvoir et notamment pour Emmanuel Macron qui en a fait une des priorités de son second mandat. La propagande présidentielle se devait de riposter. La publication du dernier rapport du COR, le Conseil d’orientation des retraites, tombe donc à point nommé pour tenter de justifier, une nouvelle fois, une réforme toujours rejetée par une majorité de Français ; et il sonne comme une véritable provocation vis-à-vis des syndicats.
Le COR, présidé depuis octobre 2023 * par Gilbert Cette, un économiste libéral et soutien de la première heure du Président, brandit la menace de déficits croissants du régime des retraites pour préconiser un nouveau recul de l’ âge légal de départ en retraite ou plutôt toute une suite de reculs échelonnés jusqu’en 2070 où l’âge légal de départ serait porté au-delà de 66 ans !
Comment mieux démontrer que le conclave sur les retraites qui doit clore ses travaux le 17 juin abrite des négociations en trompe-l’oeil ? Comment s’étonner que les syndicats qui ont fait le choix de rester se heurtent à un patronat inflexible qui refuse d’envisager tout assouplissement sur l’âge de départ ?
Les usines ferment, les plans sociaux se multiplient ( la CGT a recensé près de 400 plans de suppression de postes sur un an ), le chômage augmente, mais il faut encore repousser l’âge de départ à la retraite, travailler plus longtemps, y compris pour toutes celles et ceux exerçant des métiers difficiles. Une étude de l’UNEDIC publiée récemment montre en outre qu’au-delà de l’âge pivot de 56 ans il devient très difficile de retrouver un emploi stable.
Le système dominant n’en a cure et poursuit sa logique implacable, les économistes libéraux comme Gilbert Cette font tourner leurs modèles économétriques en excluant la mise à contribution des riches, en privilégiant la compétitivité et la rentabilité des entreprises.
Et l’informatique crache ses résultats : 64 ans en 2025, 64,3 ans en 2030, 65,9 ans en 2045, 66,5 ans en 2070. . .
Pourquoi ne pas prolonger cette suite ascendante ? Sans doute parce que, selon la boutade célèbre de Keynes, « à long terme, nous sommes tous morts » !
Les économistes libéraux qui conduisent le monde à la catastrophe ont une propension véritablement démentielle à modéliser l’économie et à faire de la prospective à long terme avec des paramètres purement mécaniques qui se veulent d’autant plus rationnels et infaillibles qu’ils sont totalement étrangers à la vie.
Pour des charlatans comme Gilbert Cette, le travailleur enfumé, le travailleur exposé en permanence à des émanations toxiques, le travailleur qui coule sous le soleil d’été le bitume des autoroutes inutiles par une chaleur de 40° à l’ombre, le travailleur handicapé, le travailleur sans travail ne sont que des données que l’on rentre dans un logiciel conçu dans le cadre d’une économie au service d’une petite classe de possédants.
Devant leurs écrans d’ordinateurs, sûrs de leur science, assistés par leurs logiciels, ils ont l’obsession du chiffre, de la statistique, de la performance économique et de la croissance qui aboutit à une négation de l’humain et à une crise écologique et sociale qui ne cesse de s’amplifier. Ils rêvent sans doute d’un algorithme pour piloter et rationaliser la société de façon à parvenir à l’optimum économique et à la fin de l’histoire. L’IA leur propose déjà de remplacer les humains par des robots.
En attendant, l’homme n’est qu’une ressource qu’il convient d’exploiter jusqu’à épuisement.
* date à laquelle l’ancien président Pierre-Louis Bras avait été débarqué pour avoir contredit le discours alarmiste du gouvernement concernant la situation du régime des retraites