A quelque chose malheur est bon ! Sylvio Berlusconi, un des symboles du capitalisme outrancier et débridé, a annoncé sa démission prochaine. A moins d’un revirement toujours possible, ce que la rue italienne n’avait pasréussi à obtenir a finalement été imposé par la bourse de Milan. En période de crise et de tension, le système exige de la part de ses serviteurs un minimum de sérieux ! La rigueur et les sacrifices exigés du peuple italien réclament plus d’austérité de la part du chef de l’exécutif. Le bourreau ne peut revêtir indéfiniment un costume de bouffon.
Une petite oligarchie financière semble avoir pris le contrôle de la planète et dicte sa loi aux institutions et gouvernements en place. En Italie comme en Grèce, les mesures d’austérité exigées par Bruxelles ne sont pas négociables et constituent de véritables actes de reddition économique qui doivent s’accompagner de surcroît, dans le cas de la Grèce, d’engagements écrits et contresignés par les plus hauts personnages de l’Etat. L’Union Européenne ajoute ainsi l’humiliation à l’injustice. Les peuples européens savent désormais que leur libre-arbitre est strictement encadré, l’exercice de la démocratie étant conditionné à l’intérêt bien compris des prêteurs (qui craignent par-dessus tout d’éventuels défauts de paiement) et au bon fonctionnement du marché selon les règles établies par le traité de Lisbonne.
Après avoir placé le pouvoir monétaire et le crédit entre les mains des banques privées, l’Etat libéral poursuit son œuvre. La nécessité de réduire drastiquement la dette publique fournit aux libéraux l’occasion rêvée d’accélérer la contraction ou la privatisation des services publics sans véritable débat démocratique. La fameuse « règle d’or », qui inscrit déjà dans certaines constitutions l’obligation de respecter l’équilibre budgétaire, est le symbole de l’abdication des gouvernements européens actuels face à l’oligarchie financière. Et les résultats désolants du G20 démontrent l’absence de volonté ou l’impuissance des politiques à règlementer et réguler un système qui s’emballe. Il est inutile de chercher dans le communiqué final du G20 la moindre décision véritablement contraignante pour les puissances de l’argent. Les dettes publiques seront honorées quoi qu’il en coûte aux plus démunis ; il s’agit là d’une priorité absolue qui prend désormais totalement le pas sur les préoccupations sociales et écologiques.
Pourtant, la dette écologique en particulier - sans minimiser pour autant la dette sociale et notamment celle des pays riches vis-à-vis des pays en voie de développement - est une dette autrement plus préoccupante que la dette financière. D’après le ministère américain de l’énergie, les émissions de gaz à effet de serre dans le monde ont connu une augmentation record en 2010, progressant de 6% par rapport à 2009. Deux études récentes publiées dans la revue « Nature» montrent qu’il sera désormais difficile de limiter l’augmentation des températures à 2° (1) et que ce seuil des 2° (seuil à partir duquel l’élévation de température moyenne du globe est considérée comme dangereuse) pourrait être dépassé dans certaines régions du monde bien avant l’année 2050 (2).
La menace d’une détérioration majeure de notre environnement augmente rapidement. La crise écologique concerne aussi les générations futures mais, dans ce cas, il n’y a pas d’échappatoire : à la différence de la dette financière, la dette écologique ne pourra jamais être annulée. Cette dette est ineffaçable et cumulative. Il n’y aura pas de négociation et pas de réduction. Il existe cependant une vraie analogie entre dette écologique et dette financière : elles seront toutes deux acquittées en priorité par les pauvres.
(1) Etude publiée par l’Institut pour la science atmosphérique et climatique de Zurich, l’Institut Postdam pour la recherche sur l’impact climatique et le Centre Hadley du Met Office
(2) Etude publiée par des scientifiques des universités britanniques de Reading et d’Oxford, du centre Hadley du Met office et de l’université Victoria de Wellington en Nouvelle Zélande.