Après les « Panama papers », une nouvelle enquête, menée depuis un an par le Consortium international de journalistes d’investigation, révèle les pratiques mafieuses de nombreuses transnationales et grandes fortunes de renom : blanchiment d’argent sale, contournement des règles fiscales, sociétés écrans. . .
Chaque jour, les « Paradise papers » déversent leur tombereau de révélations sur la place publique et franchement ça pue ! Ça pue mais toute cette turpitude étalée au grand jour ne doit pas nous surprendre car elle est inhérente au système. A l’ouest, à l’est, au Nord comme au sud, rien de nouveau : le capitalisme financier est à l’œuvre avec la complicité active ou passive des dirigeants libéraux et, dans les entrailles nauséabondes des paradis fiscaux, la finance mondialisée peut poursuivre sans contrainte, sans entrave, son objectif principal ( pour ne pas dire unique) : optimiser le rendement des capitaux privés en les mettant à l’abri de prélèvements « confiscatoires » et en organisant ainsi la spoliation du capital public et des biens communs. Sous le soleil des îles Caïmans ou dans les brumes de l’ile de Man, la décomposition de nos sociétés s’organise avec une grande technicité, à l’abri des regards.
Des cabinets d’avocats fiscalistes déploient des trésors d’imagination et utilisent des montages juridiques et financiers toujours plus sophistiqués pour épargner à leurs clients les désagréments du collectivisme. Une seule quête, un seul critère : l’argent.
Et ce racket organisé pour le bénéfice des plus fortunés au détriment des plus pauvres est pudiquement baptisé optimisation fiscale. A défaut de moralité, on se réclame de la légalité. Pour toute réponse, l'État français s'inscrit clairement dans cette course à la concurrence fiscale en prévoyant une baisse de l'impôt sur les sociétés qui passera à 25 % d'ici 2022.
Il y a le fanatisme religieux, on connaît ses ravages ; mais il y a aussi un fanatisme capitaliste, à la détermination tout aussi aveugle, qui engendre une dévastation sans doute moins spectaculaire mais plus sournoise : l’assèchement des finances publiques détruit inexorablement toute solidarité et tout lien social. En France, la réduction des budgets sociaux affecte évidemment en priorité les pauvres dont le nombre a considérablement augmenté entre 2005 et 2015 ( lire ici). Les riches savent exploiter mais bien peu partager.
A l’instar de Gordon Gekko, le financier du film « Wall Street », ou de Donald Trump, une cupidité insatiable semble désormais dominer le monde industriel et financier. « Greed is good » pourrait être le mot d’ordre, le slogan, de cette société de milliardaires qui ne connaît pas de frontières et qui se goinfre aux quatre coins de la planète. Les nantis financent, conseillent, manipulent, et choisissent de facto les dirigeants politiques quand ils ne participent pas eux-mêmes aux gouvernements ; ils font les lois et veillent constamment à la sauvegarde de leurs intérêts, disposant pour cela de tous les outils nécessaires. Et ces grands voraces, sans domicile fixe, profitent au gré des législations fiscales des meilleures niches. Les murs, les barrières sont pour leurs serviteurs, pour les soutiers du système. Coincé dans sa cité, le travailleur pauvre acquittera, lui, son impôt au centime près et n’échappera pas à une administration tatillonne et intransigeante. Il n’a pas à être ménagé, ce n’est pas un créateur de richesses, il n’est pas à l’avant-garde, il ne peut inspirer la jeunesse, c’est tout juste un exécutant insignifiant et, de surcroît, un médiocre consommateur. La société de demain numérisée, robotisée, se passera probablement de lui. Dans le monde d’Emmanuel Macron où un individu est avant tout jugé à l’aune de sa réussite financière, il ne peut qu’être méprisé.