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Billet de blog 11 novembre 2025

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Le sommet de la schizophrénie

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On se souvient de la polémique suscitée par le choix de l’Azerbaïdjan pour recevoir la COP 29 l’année dernière alors que le développement et la richesse de ce pays s’appuient essentiellement sur l’exploitation et l’industrie des hydrocarbures, pétrole et gaz naturel.

De ce point de vue, le choix du Brésil pour accueillir la COP 30 est tout aussi déconcertant : le Brésil est non seulement un grand pays pétrolier (il fait partie des 10 premiers producteurs mondiaux) mais il entend bien augmenter sa production dans les années à venir. Deux semaines avant l’ouverture de la COP, le président brésilien, Lula da Silva, s’est félicité de l’autorisation donnée par l’agence environnementale brésilienne à la compagnie Petrobras d’engager l’exploitation d’un vaste champ pétrolifère au large des côtes amazoniennes. Ce gisement se situe dans une région extrêmement sensible et vulnérable à la pollution, au large de l’embouchure du fleuve Amazone. Il représente potentiellement le rejet dans l’atmosphère de 13,5 milliards de tonnes de CO2, l’équivalent de ce que le pays a émis pendant les dix dernières années! Avec ses nouveaux forages, le Brésil, qui est déjà le 6ème pays le plus émetteur de la planète, ambitionne de devenir une superpuissance pétrolière tout en prétendant par la voix de son président que la lutte contre le changement climatique est sa « priorité absolue « .

Comme Emmanuel Macron, Lula est un adepte du « en même temps » puisqu’il n’a pas hésité à déclarer, à l’occasion du sommet des chefs d’État organisé en préambule à l’ouverture de la conférence, que« La Terre ne peut plus supporter le modèle de développement fondé sur l'utilisation intensive des énergies fossiles qui a prévalu ces 200 dernières années » Il appelle à une sortie « juste » et « ordonnée » des industries fossiles tout en s’apprêtant à augmenter considérablement sa production d’énergie fossile. Évidemment, la décision d’exploiter de nouveaux champs pétrolifères est habillée d’alibis langagiers permettant de se donner bonne conscience. Cette nouvelle manne pétrolière permettra de financer la transition écologique du pays et de permettre ainsi un développement respectueux de l’environnement. Il faut continuer à polluer pour financer la dépollution !

Comme la plupart des dirigeants de la planète, le président brésilien Lula n’est pas un écologiste mais un adepte de la croissance et du greenwashing. Les climato-sceptiques et les partisans d’une transition écologique qui ne fait qu’ajouter des énergies renouvelables aux énergies carbonées unissent leurs efforts pour détruire la planète.

Ces COP ne sont pas des conférences pour le climat mais des sommets de la schizophrénie et des farces tragiques. L’UE qui revendique son statut de leadership en matière climatique maintient son objectif de façade de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 90 % mais reste sur une trajectoire globalement ascendante de consommation d’énergie et ne baisse que très peu sa consommation d’énergie carbonée, bien en deçà des objectifs notamment en ce qui concerne le gaz. Ainsi, afin de sécuriser sa sécurité énergétique, et ne plus dépendre du gaz russe, l’UE vient de signer un accord avec l’administration Trump qui prévoit d’augmenter considérablement ses importations de gaz naturel qualifié et de pétrole en provenance des USA. Les importations de GNL en particulier vont plus que doubler. Au cours des trois prochaines années ( jusqu’en 2028) l’Europe va acheter pour 750 milliards de dollars de GNL et de pétrole. Le GNL des USA, majoritairement produit à partir de gaz de schiste, est considérablement plus polluant et émetteur de gaz à effet de serre que le gaz naturel russe qu’il est destiné à remplacer.

Et cerise sur la gâteau, l’UE est en train de négocier avec les pays du Mercosur un traité de libre-échange particulièrement dommageable pour la biodiversité et le dérèglement climatique puisqu’il s’agit d’un accord favorisant les échanges industriels et l’agro-industrie au détriment notamment des agricultures vivrières locales qui sont les seules à même de préserver l’environnement et la santé des consommateurs.

Ces conférences climatiques souffrent d’un handicap majeur : s’inscrivant dans le cadre du modèle capitaliste dominant, elles sont incapables d’impulser un véritable changement de trajectoire et une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions diverses. Une seule solution est admise : la technique qui permettra de traiter les dégâts infligés par la technique. Lula s’inscrit clairement dans une démarche techno-scientiste qui entend concilier croissance et développement durable car, selon lui, « la science et la technologie nous permettent d'évoluer en toute sécurité vers un modèle centré sur les énergies propres. ». Mais les énergies dites renouvelables comme par exemple les biocarburants dont le président brésilien est un promoteur ardent (le Brésil est le deuxième producteur mondial d'éthanol) ont aussi un fort impact écologique et social en mitant des espaces naturels ou en détournant des terres de leurs usages agricoles. Une étude vient de montrer qu'à l'échelle mondiale ces carburants d'origine végétale seraient même responsables de 16% d'émissions de CO2 supplémentaires par rapport aux combustibles qu'elles remplacent en raison notamment de la déforestation qu'elles engendrent.

Belém ne dérogera donc pas à la règle qui est imposée par une économie mondialisée sous emprise : ce sera un jalon de plus dans un parcours désormais patronné par les majors de l'énergie sous toutes ses formes et qui a surtout pour ambition de sauver le capitalisme de l'écologie punitive.

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