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Billet de blog 12 juin 2011

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La victoire d’Ollanta Humala, un message d’espoir . . .

L’élection de représentants du peuple au suffrage universel direct est souvent présentée comme une des caractéristiques d’une vraie démocratie. Ce mode de scrutin suppose cependant un corps électoral composé de citoyens ayant accès à une information véritablement plurielle et honnête.

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L’élection de représentants du peuple au suffrage universel direct est souvent présentée comme une des caractéristiques d’une vraie démocratie. Ce mode de scrutin suppose cependant un corps électoral composé de citoyens ayant accès à une information véritablement plurielle et honnête.

Or, les médias, vecteurs essentiels de l’information, sont souvent contrôlés par de puissants groupes économiques et financiers, et l’expression populaire s’en trouve fortement influencée voire orientée par une désinformation plus ou moins insidieuse. C’est ainsi que, dans de nombreux pays, les candidats libéraux bénéficient d’un traitement médiatique favorable et sont avantagés par rapport à leurs concurrents. Cela se vérifie en France dans le cadre des prémices de la campagne présidentielle mais aussi au Pérou où, comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, le corps libéral est particulièrement actif. Dans ce pays où le deuxième tour des élections présidentielles s’est déroulé dimanche dernier, la candidate Keiko Fujimori, fille de l’ancien dictateur Alberto Fujimori, ex « première dame »* d’un régime convaincu de corruption et d’atteinte aux droits de l’homme, était soutenue ouvertement par les milieux d’affaires et les médias. Une campagne de décrédibilisation de son rival Ollanta Humala, candidat jugé dangereux par le patronat péruvien , avait été menée et suivie, d’après l’édition bolivienne du Monde diplomatique, par 90 % des médias au Pérou. L’ éventuelle sujétion d’Ollanta Humala à Hugo Chavez, bête noire des puissances économiques et financières d’Amérique latine, avait été largement développée alors même qu’était passée sous silence l’intégration dans l’équipe de Keiko Fujimori d’anciens membres du gouvernement dictatorial de son père. La victoire d’Ollanta Humala, donné battu par les sondages, constitue donc une relative surprise. Les provinces, notamment celles du sud du Pérou à dominance ouvrières et minières, ont largement contribué, contrairement à la capitale Lima, au succès du nouveau président. Même si le résultat final est relativement serré ( 51,5 % contre 48,5 %), la défaite de Keiko Fujimori est nette comme l’est tout autant le désappointement de la droite péruvienne. Keiko Fujimori, qui avait financé ses études aux USA avec l’argent détourné pendant la dictature, était la candidate de l’oligarchie dominante péruvienne dont les intérêts sont souvent liés à ceux de grandes multinationales étrangères auxquels les gouvernements successifs - depuis A Fujimori - ont bradé les richesses nationales. Comme le dit le dicton populaire, « El Peru es un mendigo sentado en una mina del oro » ( Le Pérou est un mendiant assis sur une mine d’or) et cette mine d’or dégage des bénéfices d’autant plus considérables que le travail et l’environnement sont laissés pour compte. A Puno, ville frontière avec la Bolivie, des manifestants composés en majorité de paysans de l’Altiplano, ont bloqué pendant les dernières semaines de la campagne électorale les voies d’accès à la ville, immobilisant de nombreux touristes et paralysant le commerce entre le Pérou et la Bolivie, pour exiger l’abandon du projet d’exploitation minière « Santa Ana » de l’entreprise canadienne Bear Creek. Les populations locales craignent en effet que la concession accordée à Bear Creek pour extraire l’argent du sous-sol de la région n’entraîne une grave pollution du lac Titicaca. Ce conflit est un maillon supplémentaire dans une longue chaîne de luttes sociales qui opposent depuis des années les populations déshéritées d’Amérique latine aux multinationales étrangères, pour certaines françaises ; ainsi, Suez , transnationale de l’eau, avait dû quitter la Bolivie en 2005 après une révolte des habitants de la Paz contre la politique d’Aguas de Illimani ( filiale de Suez)qui avait considérablement augmenté ses tarifs tout en laissant 200.000 personnes d’El Alto ( un quartier pauvre de La Paz) sans accès à l’eau.

Si Ollanta Humala tient ses promesses électorales, le Pérou devrait se réapproprier ses richesses nationales en vue d’en assurer un partage plus juste. A terme, les classes les plus défavorisées, qui subissent pour le profit d’actionnaires bien souvent étrangers des conditions de travail très dures ainsi qu’une dégradation de leur environnement, pourraient voir leur situation s’améliorer.

Mais rien n’est joué . . . Les espoirs en la matière sont souvent déçus. Ainsi, après un premier mandat encourageant, le président bolivien Evo Morales déçoit désormais ses partisans par son incapacité à lutter efficacement contre la corruption ( le ministre du travail bolivien vient d’être destitué pour cette raison) et à améliorer le sort des classes les plus pauvres et notamment des paysans - dont il est issu - qui continuent à migrer vers les ghettos urbains.

En attendant, la victoire d’Ollanta Humala constitue tout de même un message d’espoir pour tous ceux qui se battent contre un discours hégémonique et des médias hostiles. Par ses luttes et son vote, le peuple péruvien nous encourage à ne pas abdiquer face au capitalisme financier.

Léa et Jean-Luc Gasnier

* Keiko Fujimori avait accepté le poste après l’incarcération de sa mère, trop engagée dans les programmes sociaux, ce qui contrevenait aux intérêts du clan Fujimori.

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