Sébastien Lecornu, ancien directeur de campagne de François Fillon, ministre d'Emmanuel Macron sans discontinuer depuis 2017, vient d'être nommé Premier ministre. Et lors de son premier discours, à l'occasion de sa prise de fonction, sur les marches de l'hôtel Matignon, comme François Bayrou, comme Michel Barnier, comme Elisabeth Borne, comme tant d'autres premiers ministres avant lui, il est tout empreint de gravité, conscient de l'ampleur de la tâche et des immenses difficultés qui l'attendent. Comme les autres, il se veut volontaire et audacieux ; comme les autres, il propose aussi le changement et la rupture : changement de méthode et rupture sur le fond.
Une nouvelle ère commence ! Il est applaudi à tout rompre par son prédécesseur et toute la foule des VIP, ministres démissionnaires, membres de cabinets, conseillers, etc, massés dans la cour de l'hôtel Matignon.
Il vit ses premiers instants de Premier ministre comme dans un rêve.
Il rêve sans doute qu'on lui a greffé un autre cerveau.
Ses lubies d'homme de droite réactionnaire, respectueux de l'ordre dominant, défenseur d'une véritable politique de classe en faveur des riches ont disparu. Il est désormais capable de comprendre que l'économie peut servir à autre chose qu'à accumuler des profits et des dividendes pour une petite minorité, qu'une croissance indéfinie dans un monde fini est une utopie, qu'il n'est pas possible de produire et de consommer sans polluer, même avec une énergie décarbonée, et que la vie ne doit pas se résumer au travail posté en entreprise pour celles et ceux qui ne sont rien.
ll rêve qu'il va pouvoir mener une politique compatible avec le respect de l'environnement, qu'il va abroger immédiatement la loi Duplomb et encourager l'agriculture biologique, qu'il va renoncer à tous les grands projets inutilement destructeurs (comme par exemple l'A69 et la LGV au sud de Bordeaux), qu'il va interdire définitivement un certain nombre de chasses traditionnelles qui menacent des espèces protégées (*) , etc.
Il rêve que son gouvernement met en place une véritable politique sociale de partage du travail et des richesses, il rêve d'une France où il n'y a plus de personnes sans-abri, où tout le monde peut se loger et manger à sa faim.
Il rêve d'une France généreuse qui accueille dignement les immigrés, les réfugiés fuyant la misère et la répression, et qui ferme les centres de rétention administrative.
Il rêve d'un gouvernement où il n'y a plus de ministre des armées.
Il rêve qu'il donne des instructions à Bruno Retailleau pour ne plus réprimer violemment les manifestations qui réclament une autre politique et le départ du Président.
Il rêve d'une France enfin respectueuse des droits de l'homme et du citoyen.
Il rêve qu'une grande vague populaire submerge l'Elysée et tous les palais ministériels.
Il rêve qu'il n'est plus le Premier ministre de Macron
(*) Le 2 septembre, le ministère de la Transition écologique a publié un arrêté autorisant la chasse aux pantes ( à l'aide de filets) de près de 100 000 alouettes dans quatre département du Sud-Ouest( Gironde, Landes, lot-et-Garonne et Pyrénées atlantiques) Cette pratique avait pourtant été interdite par le Conseil d'Etat en mai 2024