Mardi dernier ( le mardi 9 octobre), les salariés de PSA, de Renault et d’une vingtaine d’entreprises concernées par des suppressions de postes sont allés manifester au Mondial de l’automobile tandis que les syndicalistes de la CGT défilaient dans plusieurs grandes villes afin d’alerter une nouvelle fois le gouvernement.
Grand pourvoyeur d’emplois directs et indirects, chargé d’histoire, fierté nationale, le secteur automobile est devenu, dans cette période de restructuration industrielle et de désindustrialisation, un symbole des luttes pour la défense de l’emploi ; c’est un enjeu de communication majeur pour le pouvoir socialiste qui se doit d’afficher une solidarité sans faille à l’égard du monde ouvrier confronté aux méfaits d’un capitalisme sans état d’âme et apatride. Dans cette bataille, les socialistes ont choisi leur camp : Ils soutiennent les salariés, déclarent vouloir sauver le plus d’emplois possible, réclament aux patrons la contre partie des aides massives (sous différentes formes) accordées ces dernières années, plusieurs milliards d’euros au total. Et le Ministre du redressement productif joue au matamore, Arnaud Montebourg est sur tous les fronts, il multiplie les rendez-vous, convoque, menace, annonce des négociations tripartites . . . L’affichage est d’autant plus volontariste et interventionniste que la volonté politique de réguler le capitalisme financier est faible. Les marges de manœuvre sont en réalité quasiment inexistantes : Arnaud Montebourg sait bien que les patrons feront au final ce qu’ils voudront. La Régie Renault n’existe plus depuis longtemps ! L’Etat se contentera comme d’habitude d’accompagner : après les aides à l’investissement, il prendra en charge de nouvelles aides pour le reclassement en attendant les allocations chômage. Mais il le pourra de moins en moins efficacement : le capitalisme financier charrie de plus en plus de scories alors même que l’Etat se trouve de plus en plus démuni et incapable d’en assurer le traitement. Et nos gouvernants se révèlent aussi de plus en plus impuissants à imposer aux acteurs privés la prise en compte de contraintes sociales et écologiques au niveau national quand par ailleurs, ils veulent faire de l’UE « l’économie du monde la plus compétitive ». En période de crise, un encadrement et une orientation plus stricts de l’économie - sans parler de planification écologique - s’imposeraient pourtant. Ainsi, en ce début de XXI ème siècle, à l’heure de l’épuisement des richesses naturelles et du réchauffement climatique accéléré, on peut légitimement se demander si les aides massives accordées au secteur automobile ont encore un sens. Certaines mesures devraient notamment être proscrites car elles relèvent plus de la fuite en avant ou du colmatage temporaire que de la prospective intelligente. La baisse récente de la taxe sur les carburants est ainsi une aberration sociale et écologique : dans une période de restriction budgétaire où chaque nouvelle allocation est inévitablement compensée, subventionner les déplacements individuels revient ipso facto à réduire d’autant le montant de l’enveloppe disponible pour développer et encourager les modes de déplacement collectifs qui sont plus écologiques mais aussi choisis en priorité par les personnes disposant de faibles revenus. De plus, en apportant une aide bien minime aux travailleurs contraints de prendre leur automobile pour se rendre à leur travail, l’Etat subventionne aussi les déplacements en 4x4 dans les villes.
En dépit de tous les discours des constructeurs et du gouvernement, la voiture électrique et « la voiture à 2l aux 100 », bourrées de composants électronique fabriqués à partir de « terres rares », ne peuvent pas être les nouveaux objets de consommation représentatifs d’une société engagée vers un développement respectueux de l’environnement. L’automobilisme de masse, qui, comme l’écrivait André GORZ, « fonde et entretient en chacun la croyance illusoire que chaque individu peut prévaloir et s’avantager aux dépens de tous » est désormais un danger mortel pour la planète à l’heure où la classe moyenne chinoise veut aligner son mode de vie sur celui de son homologue américain ( avec plus de 18 millions de voitures vendues en 2011, la Chine est désormais le premier marché automobile au niveau mondial).
Bien plus qu’une industrie, l’automobile est le symbole arrogant de notre société de consommation, le signe extérieur de la réussite sociale ( mesurée à l’importance de la cylindrée), le signe de la prééminence de l’individu sur le collectif, finalement l’esprit même du capitalisme qui nous propulse avec elle dans une voie sans issue. La puissance publique, les yeux rivés sur le taux de croissance, est prête à racler tous les gaz de schiste de la terre pour nourrir le monstre qui est désormais « too big to fail ». Il faut sauver l’automobile car faute d’avoir anticipé et imposé des évolutions pourtant nécessaires, la crise empêche désormais nos dirigeants d’intégrer des contraintes environnementales et de prendre une quelconque distance avec des industries pourvoyeuses d’emplois.