Tandis que 2,3 millions de gazaouis sont assiégés et menacés d’une mort lente, la classe politique française se déchire dans une polémique aussi vaine que stérile sur la qualification des crimes du Hamas et sur la caractérisation de l'activité de ce mouvement de résistance contre l’occupation israélienne.
Le Hamas mène-t-il des actions terroristes, commet-il des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, faut-il même parler de génocide ?! Cela ne redonnera pas la vie aux victimes israéliennes mais la surenchère verbale à laquelle se livrent certains politiques et commentateurs ne peut qu'accroître inutilement le climat de haine.
Le terrorisme est une notion à géométrie variable souvent utilisée par les régimes autoritaires pour stigmatiser et réprimer plus sévèrement leurs opposants. Qualifier une action de terroriste n’a donc de sens que pour l’accusation, par nature très subjective. En France n’est-il pas question d’éco-terrorisme au sujet du sabotage de quelques tuyaux alimentant des bassines ?
Les notions de crime de guerre et de crime contre l’humanité sont plus encadrées juridiquement mais leurs définitions peuvent prêter à interprétation et elles semblent de plus en plus utilisées à des fins politiques. De toutes façons, le droit international humanitaire n'a jamais véritablement réussi à protéger efficacement les populations civiles durant les conflits armés. La guerre se moque bien des conventions et des traités internationaux établis en temps de paix, il n’y aura jamais de guerre propre.
Oui, indéniablement le Hamas a semé la terreur dans les kibboutz longeant la bande de Gaza mais comme bien d’autres armées ou commandos militaires ont pu le faire dans d'autres contrées du monde, et l’ampleur de cette catastrophe reste presque anecdotique par rapport à d’autres actes terroristes et tueries de masse.
Hiroshima et Nagasaki n’ étaient-ils pas des actes terroristes par nature, des bombardements visant des populations civiles, destinés à semer la terreur et provoquer la sidération en vue d’obtenir la capitulation du Japon?
L’armée américaine qui encore récemment, lors de la dernière guerre d’Irak, a causé la mort de centaines de milliers de victimes innocentes (en prétendant lutter contre le terrorisme !), en majorité des femmes et des enfants, n’est pourtant pas classée parmi les organisations terroristes.
Oui, indéniablement, le Hamas a commis ces crimes avec sauvagerie et en optant de surcroît pour une mise en scène particulièrement morbide. Les égorgements et les têtes tranchées sont sans doute plus spectaculaires qu’une mort par balle ou par brûlures ou vitrification à cause des rayonnements et de la chaleur. Mais pour les victimes, le résultat est le même, et la mort n’est jamais douce. Y a-t-il d’ailleurs un degré de souffrance des victimes et de barbarie dans la façon de donner la mort qui permette au-delà d’un seuil fatidique d’employer un qualificatif plutôt qu’un autre ?
Mais aujourd’hui, diaboliser le Hamas ne fait qu’entretenir et augmenter le désir de vengeance d’Israël qui est aussi un belligérant faisant régner la terreur depuis très longtemps sur les terres palestiniennes, allant par exemple jusqu’à tirer à balles réelles sur des enfants palestiniens lors de manifestations contre l’occupation.
Désormais, au Proche -Orient, nous avons affaire à une confrontation totalement déséquilibrée. L’armée israélienne, une des mieux équipées au monde, dispose d’une puissance de feu incomparablement plus élevée et plus meurtrière que l’armée du Hamas, retranchée dans un territoire assiégé de toutes parts et privée de tout approvisionnement. Quand on songe que l’attaque aérienne du Hamas en territoire israélien s’est faite avec des parapentes et des ulm , cela prêterait presque à sourire si le sujet n’était pas aussi dramatique. Les civils palestiniens ne peuvent que subir et attendre la punition collective.
Dans un tel contexte, quel parti prendre ?
Tout dirigeant politique de bonne volonté choisirait évidemment celui de la désescalade et de tenter de protéger le plus faible face au plus fort : l’otage ou le civil palestinien face au militaire israélien. Nos responsables ou plutôt irresponsables politiques français font le choix inverse : ils se rangent délibérément au côté du plus fort, en interdisant notamment toute manifestation de soutien au peuple palestinien. Catherine Colonna, en s’adonnant à la surenchère verbale, en qualifiant les attaques du Hamas de crimes contre l’humanité, entretient et légitime le discours de haine et de guerre de civilisation qui permet à Netanyahou de galvaniser ses troupes et l’ensemble de la société israélienne.
Une telle position ne peut mener qu’au désastre. C’est un crime.