Sur les douze derniers mois, la température moyenne de la planète a enregistré une hausse de +1,5° par rapport à celle de l’ère préindustrielle, dépassant ainsi le fameux seuil fixé par l’Accord de Paris, les effets du dérèglement climatique se multiplient et s’amplifient, les pollutions de tous ordres fragilisent le vivant mais, globalement, rien ne change, “ business as usual” peuvent se féliciter les hommes d’affaires. Les scientifiques du GIEC obligent les politiques à faire de beaux discours mais les preuves d’amour pour notre Terre-Mère se font attendre. Par contre le Dieu du Marché est toujours aussi vénéré, nous sommes plongés dans une économie productiviste et consumériste, où le niveau de vie des populations des pays riches n’est pas négociable et où les nations les plus défavorisées aspirent à rejoindre un modèle de développement qui n’est ni soutenable écologiquement ni socialement acceptable avec des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres.
Rien ne change parce que les grands prêtres du Dieu du Marché sont aux commandes mais aussi parce que nous sommes tous prisonniers d’un système qui fait de nous nos propres bourreaux.
Je suis en train de lire “Le couperet”, roman de Donald Westlake, paru il y a une vingtaine d’années, qui raconte une histoire qui recèle en filigrane une critique acerbe du capitalisme dévoyé qui nous gouverne et peut nous transformer en monstre : un cadre de l’industrie papetière au chômage, s’affranchissant de toute morale, entreprend, pour augmenter ses chances de retrouver un poste, d’éliminer méthodiquement, un par un, tous les concurrents qui risquent de postuler sur l’emploi convoité. Il s’agit évidemment d’une fiction mais il ne fait aucun doute que la compétition et la concurrence voulues par le capitalisme libéral fragmentent les sociétés, isolent les individus, et leur font perdre le sens de l’intérêt collectif. Dans un environnement de plus en plus dégradé, de plus en plus hostile, les tensions s’exacerbent et au final ce sont les plus démunis, les plus fragiles, qui en pâtissent au premier chef. Les pauvres finissent par s’entretuer sous le regard des riches. Les exemples sont légion. Ce qui se passe actuellement à Mayotte illustre cette dérive mortifère et préfigure ce qui pourrait advenir à une échelle beaucoup plus vaste : ce territoire sombre dans le chaos car des populations pauvres - voire extrêmement pauvres pour les comoriens- sont en concurrence et luttent pour satisfaire des besoins essentiels et notamment pour avoir accès à l’eau, un bien devenu rare. Le détricotage annoncé de la loi SRU va d’ailleurs accélérer la ségrégation sociale, le vivre ensemble ne fait pas partie du projet macronien, bien au contraire.
Et, le malheur du monde est simplement dû à la fatalité.
Les grandes firmes capitalistes disposent d’un terrain de jeu et de règles qui leur permettent de vaquer à leurs affaires l’esprit tranquille. En économie libérale, la responsabilité des acteurs se dilue et se perd dans l’écheveau d’un commerce mondialisé. Les considérations morales ou tout simplement civiques n’ont aucune prise car il est toujours possible de se défausser, de s’abriter derrière la concurrence, derrière les autres, derrière le marché.
Pour quelles raisons la société canadienne Vermilion ne forerait-elle pas de nouveaux puits d’exploitation pétrolière en forêt de La Teste-de-Buch puisqu’ « extraire du pétrole en France a un coût environnemental moindre que de le faire venir de l’étranger. »?
Pourquoi développer en France une agriculture respectueuse de l’environnement si le marché européen ou mondial met sur nos tables une alimentation moins chère avec des normes de production, sanitaires et environnementales, moins drastiques ?
Nos politiques libéraux invoquent avec hypocrisie et cynisme des lois économiques dont ils ne peuvent s’affranchir mais qu’ils ont mis en place et qu’ils contribuent sans arrêt à renforcer. Ce sont des malfaisants qui avancent masqués et protégés et qui nous entraînent chaque jour un peu plus dans la fosse où ils pourront contempler, sur une planète dévastée, du haut de leurs bunkers sécurisés, le spectacle d’une plèbe luttant pour sa survie.
il serait plus que temps de mettre hors-jeu ces irresponsables.