La première condition d’un changement de politique est réalisée. L’élimination de Sarkozy et son retrait annoncé de la vie publique constituent la juste sanction de cinq années de déshérence et de gouvernance partisane à la tête de l’Etat ; le résultat des élections ouvre désormais la voie à d’autres possibles et à un rebond de l’engagement citoyen. Mais, pour paraphraser le slogan de campagne de François Hollande, le vrai changement c’est demain et cela dépendra des luttes et de la mobilisation de tous. Pour le nouveau pouvoir, les formidables défis écologiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés semblent bien difficiles à relever, voire étrangers à sa culture.
Dans le domaine social, la discipline budgétaire imposée par l’Union Européenne est un obstacle quasi insurmontable à une alternance véritable : notre nouveau Président veut avant toute autre chose désendetter l’Etat et cet objectif majeur risque fort de surdéterminer le reste. Malgré les dernières prévisions plutôt pessimistes sur la croissance, François Hollande confirme son objectif de réduction du déficit public à 3% du PIB en 2013 ; il y a là une forme de stakhanovisme du désendettement qui peut nous inquiéter. L’amélioration des conditions de vie des populations les plus défavorisées - qui passe notamment par le maintien de services sociaux de qualité - paraît difficilement compatible avec la résolution de la crise de la dette publique dans le cadre du libéralisme financier imposé par Bruxelles et les lobbies bancaires.
Quant au thème de la protection de l’environnement, il a malheureusement été totalement absent du discours présidentiel pendant la campagne ; l’écologie est de moins en moins politique et de plus en plus commerciale, c’est un marché supplémentaire pour soutenir la croissance : les éoliennes, le photovoltaïque, l’agriculture biologique sont les nouveaux cache-misère d’une discipline désormais mercantile . L’écologie a basculé dans l’univers consumériste : elle sert les hommes d’affaires et alimente cette fameuse « croissance verte ». Elle peut aussi satisfaire, accessoirement, les appétits de pouvoir de quelques femmes et hommes politiques. Les membres les plus influents et médiatiques d’EELV courtisent François Hollande dans l’espoir d’obtenir un maroquin ministériel qui flattera leur ego mais ne changera probablement rien à la ligne politique du futur gouvernement. Les expériences malheureuses de Dominique Voynet et d’Yves Cochet sous l’autorité de Lionel Jospin ( de 1997 à 2002) ont montré à quel point la présence de ministres verts ( Guy Hascoet fut aussi Secrétaire d’Etat à l’économie solidaire) peut servir de caution écologiste à un gouvernement très éloigné de préoccupations d’ordre environnemental .
Le changement, si changement il doit y avoir, viendra des mobilisations populaires. L’accord signé mardi dernier 8 mai entre les paysans en grève de la faim pour protester contre le projet d’aéroport de Notre Dame des landes et une délégation du PS de Loire-Atlantique récompense* la ténacité des opposants à ce qui est souvent présenté comme un « bébé » de Jean-Marc Ayrault. Ces militants nous montrent la voie et nous invitent à « un optimisme de la volonté »
* même s’il s’agit d’un moratoire : cet accord permet à tous les habitants, exploitants et propriétaires ayant un titre au moment de la Déclaration Publique du 9 février 2008, de ne pas être expulsables tant que les procédures juridiques engagées à ce jour au Conseil d'Etat, à la Cour de Cassation et au Conseil Constitutionnel ne sont pas épuisées