Jean-Luc GASNIER (avatar)

Jean-Luc GASNIER

Inactif en activité, membre d'ATTAC33, de nationalité française mais terrien avant tout

Abonné·e de Mediapart

638 Billets

3 Éditions

Billet de blog 14 mars 2015

Jean-Luc GASNIER (avatar)

Jean-Luc GASNIER

Inactif en activité, membre d'ATTAC33, de nationalité française mais terrien avant tout

Abonné·e de Mediapart

Trois sportifs nous manquent et l’Amérique latine est dépeuplée

Jean-Luc GASNIER (avatar)

Jean-Luc GASNIER

Inactif en activité, membre d'ATTAC33, de nationalité française mais terrien avant tout

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans sa nouvelle doctrine de défense, le président des Etats-Unis écrivait récemment : « Nous nous tenons aux côtés des citoyens dont le plein exercice de la démocratie est en danger, tel que lesVénézuéliens ».   Evidemment,  la conception du « plein exercice de la démocratie » varie beaucoup en fonction des démocrates. Barack Obama pourrait aisément reprendre à son compte la boutade de  Gustavo Pinochet : « La démocratie autoritaire a sa raison d’être ». Pour les Etats-Unis, une bonne démocratie qu’elle soit participative, représentative,  ou autre,  est une démocratie qui ne contrevient pas à ses intérêts ; dans le cas contraire mieux vaut une bonne dictature et tant pis si des moyens militaires doivent être utilisés pour l’instaurer ou lui permettre d’accéder au pouvoir.

L’Amérique Latine reste, malgré les nombreuses déconvenues enregistrées depuis les années 80, la chasse gardée des USA qui supportent difficilement  une véritable émancipation et autonomie de pays jadis saignés à blanc pour le plus grand profit des transnationales américaines.

Les vieux démons qui habitent  l’âme de la première puissance mondiale attendent toujours l’occasion propice pour assujettir, soumettre les nations d’Amérique du Sud, sous surveillance permanente et situées dans la zone de  première influence.  Au Venezuela, l’ombre du Golpe  de 2002 qui, avec l’aide des USA,  avait entraîné la destitution et l’emprisonnement du président élu,  Hugo Chavez, pendant deux jours avant qu’il ne soit sauvé par son peuple, ressurgit.  

Depuis la mort de Chavez et l’accession au pouvoir de Nicolas Maduro,  les USA redoublent d’efforts pour déstabiliser le pays et financent  toutes les organisations de droite et d’extrême droite (lire une interview de F Lévêque du CNCD) (1) opposées à la politique du gouvernement. Le Venezuela, avec ses immenses réserves pétrolières, est une manne potentielle que les USA enragent de ne pouvoir croquer. Les émeutes, les manifestations violentes, les tentatives de coups d’état, ourdies par une opposition déterminée à renverser le pouvoir, se succèdent, faisant de nombreux morts parmi la population civile et déstabilisant chaque jour davantage le pays. Le  Comité des victimes de la Guarimba et du « coup d’Etat continué » fait actuellement la tournée des capitales européennes afin de témoigner de la violence de l'opposition menée par Leopoldo Lopez qui , au lendemain des élections municipales de 2013, avait appelé à l’insurrection. Mais les factieux ultra-libéraux restent pour l’instant inefficaces.

Cette impuissance a-t-elle poussé les USA à déployer vis-à-vis du pouvoir en place de nouveaux moyens de pression, fort peu diplomatiques ?

Barack Obama vient en effet de classer (c’était le 9 mars dernier) le Venezuela parmi les états qui constituent pour les USA une source d’inquiétude à l’instar de la Syrie ou de la Corée du Nord . Le Venezuela représente désormais «une inhabituelle et extraordinaire menace pour la sécurité nationale et la politique extérieure des États-Unis». Des sanctions sont déjà prises vis-à-vis de responsables vénézuéliens, préambule d’autres mesures plus larges.

En Amérique latine, l’ennemi est désormais parfaitement identifié : aussitôt la décision de la Maison blanche connue, Evo Morales, le président bolivien, a demandé une réunion des nations sud-américaines (dans le cadre du CELAC et de l’UNASUR) afin de défendre le Venezuela des attaques  des Etats-Unis.

Certes, il ne faut pas idéaliser les démocraties d’Amérique latine et leurs dirigeants : Fidel Castro, Raphael Correa, Nicolas Maduro, Evo Morales, . . . ne sont pas des saints et peuvent commettre des erreurs, verser notamment dans le culte de la personnalité pour certains, mais les USA les condamnent à la paranoïa en entretenant et en accentuant cette stratégie de la tension. Cette politique est particulièrement contre-productivesi les USA aspirent à nouer des relations apaisées avec leurs voisins ; elle obère de plus le retour à un fonctionnement normal de la vie démocratique dans ces pays qui ne peut se construire que dans un climat serein et non dans la violence et l’affrontement de milices armées.  La peur du complot entraîne évidemment la restriction  des libertés publiques. Comment peut-on exiger des dirigeants sud-américains - qui ont été démocratiquement élus - le respect total et absolu d’une opposition qui, financée et manipulée par les USA, complote et pousse les citoyens à la rébellion armée ?

L a culture américaine dominée par l’idéologie libérale pervertit les meilleurs esprits. Quels que soient ses présidents, la politique des USA reste la politique de l’oncle Sam, dominatrice, préoccupée par ses seuls  intérêts. Un président noir, prix Nobel de la paix, entretient ainsi,  pour la défense de quelques multinationales, un climat de guerre civile dans un pays étranger. Et tout cela se déroule dans le silence complice, si ce n’est l’approbation, de ses alliés traditionnels.

Mais deux hélicoptères transportant des sportifs français en mal de célébrité se sont écrasés cette semaine en Argentine.  C’est évidemment l’évènement  qui a mobilisé tous nos grands médias, l’information la plus marquante du continent sud-américain  pour des acteurs de la société du spectacle qui donnent à voir sans jamais donner à réfléchir. En remplacement de l’émission « Dropped » de TF1, les téléspectateurs auront donc eu droit à une immense séquence de téléréalité,  un show  macabre  avec pour toile de fond les carcasses fumantes des appareils.  Trois sportifs nous manquent et l’Amérique latine est dépeuplée.

(1)    Le CNCD , Centre national de coopération au développement est un collectif belge qui regroupe des dizaines d’associations et d’ONG œuvrant dans le domaine de la coopération et de la solidarité internationale

(2)    UNASUR : Union des nations sud-américaines

CELAC (Communauté élargie des États Latino-américains et des Caraïbes)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.