Près de trois semaines après la mort de Rémi Fraisse, et malgré l’interdiction définitive de l’emploi des grenades offensives par les forces de l’ordre (mais l’utilisation des flash-ball reste légale) le scandale perdure, persiste, enfle, se transforme. La lamentable affaire Jouyet-Fillon ne réussit pas à faire diversion. Les faits sont sans doute trop accablants : le pouvoir se défausse, refuse d’assumer ses responsabilités. Les gendarmes présents sur le terrain affirment avoir reçu des consignes « d’extrême fermeté » du préfet du Tarn mais le ministre de l’Intérieur déclare solennellement, devant les députés, n’avoir donné aucune consigne tout en continuant à couvrir l’ensemble des représentants de l’Etat et en niant toute bavure. Bernard Cazeneuve adopte le comportement d’un petit voyou qui, pris la main dans le sac, choisit malgré tout de nier l’évidence. Il ajoute la bassesse à l’ignominie.
Le mensonge et la dissimulation sont inhérents à l’exercice du pouvoir de la Vème mais lorsqu’ils couvrent des faits aussi graves, la démocratie est à terre, au côté de Rémi Fraisse.
Mais, un crime d’Etat a eu lieu et rien ne se passe véritablement, c’est un autre scandale.
Des manifestations rassemblent quelques centaines de personnes, éclats de colère sporadiques, esseulés, et durement réprimés dans une indifférence quasi-générale. Les lycéens esquissent quelques mouvement de protestation, tiennent des AG, basculent quelques poubelles, mais, sans relai, sans appui, ne peuvent inquiéter le pouvoir qui n’en espérait sans doute pas tant. Les grandes organisations politiques et syndicales, à l’exception de quelques unes, semblent frappées d’apathie, elles sont sans doute le révélateur inquiétant d’une citoyenneté malade et d’une société sans ressort.
Dans un tel contexte, manifester contre la politique d’austérité le 15/11 apparaît malheureusement décalé par rapport à l’urgence du moment, la nécessité impérieuse de dire stop aux violences policières et d’envoyer un signal fort de solidarité avec la mouvance écologiste. Ne pas avoir amendé, complété le mot d’ordre de la manifestation est un manquement grave, une occasion manquée d’unifier les luttes sociales et écologiques.
Une occasion ratée et une faute politique car le pouvoir socialiste est inquiet malgré tout. . .
Devant la multiplication des mouvements de protestation et des ZAD qui s’organisent sur les chantiers des grands projets inutiles, devant une démocratie participative qui s’invite et s’impose sur ses lieux de vie, ce gouvernement de droite- qui ne veut surtout pas de nouveau « Notre Dame des Landes »- cède à la tentation d’imposer l’arbitraire par la force. Le droit et le respect des libertés civiques disparaissent pour laisser place à d’autres procédés
Rémi Fraisse est la victime spectaculaire d’un système qui nous broie quotidiennement et qui érige désormais la violence policière en méthode de dissuasion militante et de prévention des conflits : la violence extrême des policiers et gendarmes face aux manifestants ne vise pas seulement à maintenir l’ordre mais bien à dissuader toute velléité de contestation de l’idéologie libérale et de la société de croissance. Sa mort devrait être pour chacun d’entre nous le motif le plus impérieux, le plus urgent, le plus légitime de se révolter.