La loi El Khomry a donc finalement été adoptée sans discussion et sans vote à l’Assemblée nationale. C’est sans doute le début de parcours - que de nombreux acteurs vont s’employer désormais à stopper - le plus conforme, le plus naturel, pour un texte qui vise, dans le prolongement de la loi Macron, l’efficacité économique. Pour être performante, l’entreprise doit être avant tout un lieu de décision et ne pas être entravée par un formalisme excessif et des règles de droit désuètes ; il nous faut retrouver le sens de la hiérarchie. Dans un monde marqué par des peurs et des périls de toute nature, par la guerre économique comme par la lutte contre le terrorisme, les chefs sont plus que jamais indispensables. L’époque laisse de côté le participatif et opte pour le management directif. L’autorité devient une vertu cardinale. Après tout, comme le remarque François Hollande, avec toute l’acuité managériale qui le caractérise, « pour qu’il y ait une entreprise, il faut qu’il y ait un chef d’entreprise » et « pour qu’il y ait un état, il faut qu’il y ait un Chef de l'État ». Les parlementaires et les citoyens sont priés d’obéir aux ordres. Pour contester la loi El Khomry, les opposants n’ont plus d’autre choix que la rue et doivent faire face à la répression et aux violences policières couvertes et orchestrées par un ministre de l’Intérieur digne d’un état totalitaire.
En cette fin de quinquennat, François hollande a décidé de trahir avec constance, avec cohérence et avec fermeté. Et pour cela, il entend disposer d’une majorité docile ou passer en force.
Les parlementaires socialistes, sans doute un peu trop malmenés, rechignent de plus en plus à soutenir une imposture politique qui perdure et s’affirme. La majorité se divise, s’étiole. Le Président ajoute donc la dérive autoritaire à la dérive libérale. Il se vautre avec une forme de délectation dans cet état de guerre qui assoit son pouvoir. Il rejoint la longue cohorte des dirigeants socialistes qui, installés à a tête de l'État, ont fini par tourner résolument le dos à leurs idéaux militants, en continuant à se draper, face à la critique, dans leur dignité d’humanistes outragés. C’est presque une tradition mais, avec François Hollande, et après l’épisode Sarkozy, la déception n’en est que plus terrible. Un grand nombre d’électeurs deviennent une proie facile pour tous les extrémistes démagogues, du LR au FN. S’appuyant sur le rejet de la gauche « socialiste » et d’un état jugé incapable, les protagonistes de la primaire du parti « Les Républicains » entendent exploiter le sentiment d’insécurité et valoriser la réussite individuelle au détriment du collectif. La compétition les entraîne dans une surenchère libérale délirante.
Le gouffre libéral-nationaliste est devant nous.
Pour l’éviter, il faut travailler à la convergence de toutes les luttes sociales et écologiques, travailler à la convergence des « Nuits debout » avec le mouvement syndical, travailler à la convergence de toutes les gauches alternatives.
Il faudrait aussi que les parlementaires de la majorité redeviennent socialistes et aident enfin aux changements, le changement de République étant sans doute le plus urgent. Les frondeurs grognent et montrent les dents sans toutefois se résoudre à abandonner la laisse. Pour combien de temps encore ?
Le temps presse