Depuis plusieurs années, les évènements se succèdent, toujours plus violents, portés par des enragés qui ne respectent rien. Maintenant la peur est là, bien installée, obsédante, envahissante, paralysante. Il est bien difficile de reprendre le dessus, de retrouver un rythme de vie normal, de s’investir pour son pays, quand certains éléments incontrôlés peuvent passer à l’acte à tout moment. Il y avait eu la séquestration de treize employés à la Poste de Nanterre en 2010, puis la terrible prise d’otages à Amiens Nord chez Goodyear : deux cadres dirigeants avaient été retenus dans les locaux de l’usine pendant trente heures par les salariés du site. Avec la tragédie vécue récemment par le directeur des ressources humaines d’Air France, on a franchi un pas supplémentaire dans l’horreur, les images de ce directeur en fuite, avec sa chemise arrachée, ont fait la une de tous les médias. L’humiliation, le temps d’une révolte, a changé de camp et c’est insupportable.
La communauté patronale est en état de choc, elle se sent fragilisée, menacée ; le danger est permanent car l’ennemi est intérieur.
Pour Stanislas de Bentzmann, le président de CroissancePlus , « les entreprises se sont mises en mode survie ».
Mais désormais, la contre-offensive est lancée. Pierre Gattaz, le patron du MEDEF, veut redonner confiance et fierté à ses troupes. Afin de continuer à créer la richesse qui nourrit l’ensemble de la société, il convient de sélectionner dans les entreprises des travailleurs fiables, motivés, soumis. Afin de vaincre cette « peur d’embaucher », si pénalisante pour le pays, il est urgent de pouvoir licencier librement les syndicalistes exaltés, les ouvriers revendicatifs, les tire-au-flanc, tous ceux qui entravent la bonne marche de l’entreprise. « Il faut sécuriser l’emploi » sur un terrain qui a été trop longtemps miné par l’adversaire ; il faut soumettre définitivement le salariat à la loi du patronat. Il faut notamment vaincre la peur des Prud’hommes dont les décisions peuvent être si dommageables et recenser tous les motifs, toutes les clauses de séparation, qui devraient permettre, avec un contrat adapté, de licencier tranquillement, sans s’exposer à des attaques imprévues. C’est un travail de titan - les motifs légitimes de licenciement sont évidemment innombrables, de la baisse d’activité à la baisse de motivation en passant par l’insuffisance d’implication - mais c’est une des conditions de l’inversion de la courbe du chômage et de la réussite de la politique économique. Avec ces « contrats agiles », ces « CDI aménagés », les entreprises pourront enfin se mouvoir avec aisance sur un terrain de plus en plus concurrentiel ,« aller jusqu’au bout de la compétitivité » et embaucher.
Dans ce combat pour libérer le monde du travail de l’emprise des malfaisants, le MEDEF peut compter sur l’appui du gouvernement et le concours de la justice. Suivant presque à la lettre les réquisitions du Parquet qui demandait 12 mois de prison ferme et 12 mois de sursis, le tribunal correctionnel d’Amiens a condamné cette semaine huit militants de la CGT de Goodyear à 2 ans de prison dont 9 mois ferme. C’est un message très opportun lancé au monde syndical : la loi s’appliquera dans toute sa rigueur et sa dureté aux délinquants –voire aux criminels- syndicaux. Les classes laborieuses sont prévenues : l’Etat luttera aussi contre le terrorisme syndical et protègera toujours l’autorité du capital.
Et puis, il faut faire confiance aux entrepreneurs, aux hommes, ne pas les corseter avec un Code du travail suranné qui pollue les relations de confiance et de collaboration qui doivent prévaloir dans cette belle communauté humaine qu’est l’entreprise. Quoi de plus efficace et motivant qu’un contrat librement négocié entre un patron et son salarié ?
Après tout, le combat du MEDEF, rappelé par P Gattaz, « c’est faire que l’économie soit humaine », avec « des salariés heureux, épanouis et employables ».