Manuel Valls a obtenu la confiance et il n’y a jamais eu de suspense. Le petit monde de l’Assemblée nationale s’est s’agité pendant le temps du débat mais le scénario de cette mauvaise pièce de théâtre était connu d’avance. Les députés socialistes n’ont pas voulu rajouter une crise gouvernementale à la crise systémique qui affecte la société française, la déroute certes mais dans la fierté, la cohérence et la stabilité ! Au pire, ils se sont abstenus : frondeurs mais pas téméraires. Sous la Vème République, les représentants du peuple, élus sous l’étiquette « majorité présidentielle », sont au service du Président et du Premier ministre, dépendants et serviles. Quand on appartient à un parti de gouvernement, quand on est « responsable », on se doit d’être légitimiste.
"Ce n'est pas un projet que j'ai soutenu. Il existe, il respecte les règles" : ce commentaire de Stéphane Le Foll, interrogé dimanche au sujet de la ferme des mille vaches (qui vient de commencer à produire sous protection policière), pourrait très bien sortir de la bouche d’un député socialiste « frondeur » afin de justifier son vote.
En effet, il ne faut pas chercher d’autres explications au vote de confiance. Le projet politique de Manuel Valls n’est pas véritablement soutenu mais il existe et Manuel Valls est le Premier ministre d’une majorité présidentielle. Les socialistes ont en quelque sorte voté la confiance à l’insu de leur plein gré, malgré eux. Et l’on connaît tous leur argumentaire qui va désormais servir jusqu’à la fin de la mandature : un vote de censure entraînerait une dissolution, l’autre droite ferait encore pire, l’extrême droite est en embuscade, les mesures prises n’ont pas encore produit leurs effets, etc . . .
En résumé, notre politique n’est qu’un pis aller mais il n’y en a pas d’autre. . . Et il est vrai qu’il n’y en a pas d’autre dans le système actuel, dans le cadre du capitalisme et des institutions de la Vème. Les socialistes sont résignés, soumis ; ils sont soumis à la Constitution, soumis au Chef de l’Etat, soumis aux traités et à la BCE. Ils ne font plus de politique, ils gèrent l’existant : la ferme des mille vaches ou le système bancaire. Ils incarnent désormais, à leur corps défendant, des valeurs de droite qui les dépassent parce qu’ils refusent de les bousculer. L’émancipation, la démocratie, la liberté ne font pas partie des gênes de notre constitution et ces valeurs ont déserté l’imaginaire et la culture d’un parti qui est obsédé par la gouvernance et par les moyens de s’y maintenir. Le parti socialiste est en voie d’implosion sous l’effet du vide démocratique créé par l’exercice solitaire du pouvoir prévu par des institutions d’un autre âge.
Mais, malgré ce vote de confiance, F Hollande et M Valls n’ont plus de majorité : les députés socialistes ne sont plus les représentants du peuple de gauche mais les rouages d’un système de domination imposé par une Europe libérale, en violation du référendum de 2005 ; et il n’est pas prévu de référendum d’autodétermination pour s’émanciper de la tutelle de la Commission et de la BCE.
Environ 1, 5 millions de catalans ont défilé jeudi dernier à Barcelone pour exiger du gouvernement espagnol l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. S’appuyant sur la Constitution, le Premier ministre espagnol, représentant d’une droite espagnole encore toute imprégnée de franquisme, ne peut évidemment reconnaître ce désordre démocratique et refuse obstinément de leur donner satisfaction.
En France, respectueux de la constitution et des traités européens, les socialistes au pouvoir rejettent également tout débat démocratique et toute alternative à une politique libérale suicidaire.
A quand 9 millions de français dans la rue - correspondant, toutes proportions gardées, aux 1,5 millions de manifestants catalans - pour exiger le retour du politique ?