En période d’inflation, faut-il en priorité assurer le maintien du pouvoir d'achat des populations les plus défavorisées ou permettre à une petite classe d’ultra privilégiés de profiter de la crise et d’augmenter encore ses profits et revenus ? L’Etat doit-il investir afin de garantir le maintien de services publics efficaces et répartis sur l’ensemble du territoire national ou au contraire faciliter la marchandisation des biens publics et la prise en charge de besoins essentiels comme la santé et l’éducation par le privé ?
Depuis la révolte et la répression féroce des gilets jaunes, depuis l’annonce de la fin du “quoi qu’il en coûte”, depuis la publication récente du rapport des hauts fonctionnaires du collectif “Nos services publics”, la réponse ne fait aucun doute : l’Etat Macron fait le choix de rémunérer et de nourrir sans cesse le capital alors même que le travail ne permet plus à une grande partie de la population de vivre décemment, l’argent ruisselle en permanence des pauvres vers les riches. L’offre privée, subventionnée par l’argent public, étend sa toile, accentuant de plus en plus les inégalités. L’économie néolibérale doit pouvoir se déployer dans toute son inhumanité.
En période de crise écologique et de réchauffement climatique, faut-il prendre des mesures radicales afin de limiter les impacts environnementaux de l’agriculture intensive et de secteurs industriels particulièrement voraces en énergie ou continuer à encourager la fuite en avant des pollueurs ? L’Etat doit-il pour ne pas nuire aux intérêts d’une poignée de gros agriculteurs rester sourd aux avertissements et recommandations des scientifiques ?
Depuis la manifestation de Sainte Soline, depuis la tentative de dissolution des Soulèvements de la Terre, depuis l’arrestation musclée par la SDAT ( Sous-Direction-Anti-Terroriste) des militants ayant dégradé certaines installations de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air (particulièrement polluante avec des émissions de centaines de milliers de tonne par an de CO2 mais aussi de dioxyde de soufre qui contaminent tout le voisinage), il n’y a plus aucun doute : l’Etat Macron entend bien terroriser les défenseurs de l’environnement afin de permettre aux agriculteurs et industriels pollueurs de continuer à mettre en oeuvre impunément des modes de production intensifs et toxiques pour le vivant. Tout ce qui est essentiel et vital peut être sacrifié sur l’autel du profit.
Et, avec l’inflation, les profits progressent fortement. La satisfaction des besoins primaires rogne une partie de plus en plus importante des budgets familiaux. Boire, manger, s’habiller, se loger, se chauffer, se déplacer pour aller travailler sont la source de profits exorbitants pour de grands groupes internationaux : le groupe Lactalis a connu une croissance record en 2022 tandis que le résultat d’exploitation d’Engie progressait de 43% à 9 milliards d’euros. Et ne parlons pas de Total. . .. Comme des tiques, ces monstres se gavent sur le dos des petites gens qui ne peuvent s’en défaire.
Loin de réglementer, le gouvernement laisse faire. Les contraintes sociales et environnementales ne doivent pas augmenter les coûts de production et réduire les marges. Avec une violence assumée, il réprime au contraire toutes celles et ceux qui tentent de s’opposer à ce système délétère et d’alerter l’opinion publique. Il surveille, contrôle, punit, enferme tous ces rebelles opposés au progrès. Des moyens policiers extraordinaires sont déployés pour faire régner l’ordre des exploiteurs. Il faut lire “ l’enquête de terrain au 4ème sous-sol de l’anti-terrorisme” sur le blog des ami.es des Soulèvements de la Terre (ici), une plongée dans le dispositif répressif de l’Etat qui nous renseigne sur la réalité du régime et sur ses objectifs inavoués et inavouables.
Le capitalisme débridé, servi avec une forme de fanatisme idéologique par Emmanuel Macron - mais aussi par d’autres dirigeants occidentaux - affecte en priorité les plus faibles partout dans le monde et entraîne un asservissement de l’homme et de la nature qui ne sont plus reconnus qu’en tant que ressources permettant de nourrir le capital et de conforter sans cesse ses mécanismes d’exploitation. Ce processus nous mène tout droit vers la barbarie.
Michel Onfray, dans sa période anarchiste et libertaire des années 90 a publié un ouvrage intitulé “Politique du rebelle”, “Traité de résistance et d'insoumission”. Dans un de ses chapitres, il cite Robert Antelme, rescapé des camps de concentration de Buchenwald et de Dachau, auteur d’un texte paru en 1948 “Pauvre-Prolétaire-Déporté” dans lequel il compare le destin du prolétaire et du déporté : “ Il n’y a pas de différence de nature entre le régime “normal” d’exploitation de l’homme et celui des camps. Le camp est simplement l’image nette de l’enfer plus ou moins voilé dans lequel vivent encore tant de peuples “. Michel Onfray précise : “ Une morale de maîtres, associée à leur puissance, croise les désirs, les rêves et les aspirations d'âmes errantes et privées de destin. Pauvres et prolétaires ont à voir avec le déporté dans le dénuement, la misère, l’absence de futur, la condamnation à une réitération sans espoir d’en finir avec ce qui fait l’emploi du temps de la journée : lever, travail, souffrance, peine, asservissement aux rythmes et cadences imposés par d’autres, soupes misérables, santé précaire, espoirs interdits, droits pour les seigneurs, devoirs pour les esclaves, sans possibilité d’imaginer une inversion ou un partage des ordres, quelques devoirs pour les chefs, deux ou trois droits pour les travailleurs.”
Et comme l’a écrit Martin Gray, autre rescapé des camps, évadé de Treblinka, l’exploitation de l’homme et de la nature sont indissociablement liées : “Je crois qu’une chaîne unit les bourreaux que j’ai connus pendant la guerre et les entreprises destructrices de l’environnement naturel; Je crois que la barbarie c’est aussi bien le massacre des hommes que la pollution du monde.”
On se souvient d’Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle de 2017, lançant en meeting à la Porte de Versailles : “ Parce que c’est notre projet”.
Quel projet ? La barbarie ?!