En l’an de grâce 2012 , le 13 novembre, François Hollande est enfin rentré totalement dans l’ordre de la Vème République pour renoncer à la normalité et revêtir ses habits de majesté. L’évènement était attendu, il a été salué, notamment par la presse de droite. Le Président de la Vème se doit de gouverner en solennité et en arbitre régalien. Un vrai Président, débarrassé de sa fausse modestie et de ses oripeaux socialistes, est né ce jour-là, sous les ors de L’Elysée, avec un ton grave pour réaffirmer l’impérieuse nécessité de rétablir notre compétitivité et de retrouver l’équilibre budgétaire en réduisant nos dépenses publiques. Et ce président « de gauche » a opté clairement pour un capitalisme débridé avec un credo libéral délivré avec le maximum de pédagogie et quasiment à l’état pur, débarrassé de toute vilaine scorie sociale : donner aux entreprises, donner aux patrons et l’argent des riches finira bien par profiter aux pauvres ! Et derrière le chef : le ban et l’arrière-ban des ministres, tous recueillis, à l’écoute, prêts à relayer la parole du Président : une image d’Epinal.
C’était de la Vème République à l’état pur et à l’Etat brut car cette conférence de presse a entériné l’alliance objective entre l’Etat et les classes dominantes. Le discours du 13 novembre appelle une violence froide et résolue à l’égard de tous les déshérités, une violence qui s’exercera sans état d’âme car imprégnée de bons sentiments. Ce programme de reniement sera appliqué avec d‘autant plus d’empressement et de constance par cette équipe que les socio-libéraux n’ont jamais eu finalement pour autre objectif que de gouverner en austérité afin de donner des gages d’orthodoxie libérale à la place financière. Une force froide est désormais incarnée à l’Elysée.
Ce Président s’est définitivement échappé du champ de pesanteur populaire, il a remisé son enveloppe bonhomme pour endosser les habits du souverain omnipotent. Enfermé dans sa bulle élyséenne, il sera de plus en plus étranger à toute réalité sociale et écologique. Six mois se sont écoulés depuis la défaite de Sarkozy et la droite peut savourer sa victoire idéologique tout en donnant dans la surenchère, surenchère qui permet encore à ce gouvernement de se réclamer d’un genre qu’il a déserté depuis longtemps. Il faudra bien un jour revisiter le vocabulaire appliqué aux forces politiques si nous ne voulons pas que toute contestation, toute opposition à ce système soit perçue comme émanant de l’extrême gauche ou de l’ultra-gauche.
Déjà toute velléité d’opposition à une exploitation effrénée de notre environnement et toute contestation de la dérive techno-scientiste et productiviste de cette société en dérive libérale sont perçues comme les signes avant-coureurs d’une opposition plus radicale et d’une violence latente qu’il convient de tuer dans l’œuf ou de marginaliser. L’affaire de Tarnac a déjà montré que la police de notre République n’hésite pas à recourir aux manipulations et aux mensonges afin de discréditer certains mouvements qu’elle juge trop déviants et potentiellement dangereux. L’affaire « Aurore Martin » montre quant à elle que les libertés individuelles ne pèsent rien face à la raison d’Etat et à une certaine forme de totalitarisme résultant de la concentration des pouvoirs de la Vème.
Aujourd’hui, à la veille de la grande manifestation de réoccupation de la ZAD de Notre Dame des Landes, les autorités de notre pays tentent désormais de discréditer le mouvement et semblent aspirées par les plus mauvais démons de la Vème.
Ainsi, les opposants à l’aéroport de Notre Dame des Landes ne bénéficient pas, à l’instar de certains policiers de la Bac de Marseille, de la présomption d’innocence, et font l’objet d’une stigmatisation honteuse et particulièrement inquiétante de la part des autorités de L’Etat.
Cinq jours d’ITT pour un vigile « grièvement blessé » ( expression employée par certains médias dont le Figaro) par des inconnus cagoulés et , aussitôt, la préfecture condamne cette «nouvelle agression d'une grande lâcheté et dont les conséquences auraient pu être plus dramatiques encore» tandis que Jean-Marc Ayrault dénonce « les forces ultra-minoritaires violentes » . Il ya quelques jours, Geneviève Coiffard-Grosdoy, militante d’ATTAC, malmenée par les forces de l’ordre, avait fait l’objet d’une ITT de 21 jours avec notamment 2 doigt cassés. Les représentants de l’Etat ne s’étaient pas émus outre mesure, à l’époque, de cette incapacité temporaire frappant une militante pacifique dont le seul tort avait été de vouloir filmer les agissements des gendarmes sur la zone (provoquant volontairement des dégâts pour en accuser ensuite les squatteurs de la ZAD).
Afin de faire prévaloir ses intérêts qui ne correspondent pas au bien commun et qui se confondent malheureusement de plus en plus fréquemment avec des intérêts privés, les gouvernements libéraux n’hésitent plus à désinformer, manipuler, et à recourir à la force de façon disproportionnée. Face à ces actions illégitimes, l’opposition ne peut que grossir, la contestation ne peut que s’amplifier. Malgré la violence qui lui sera opposée, souhaitons que la lutte désormais emblématique de Notre Dame des Landes débouche sur une victoire qui en appellera d’autres.