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Billet de blog 18 juin 2025

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La routine du tragique

Chaque jour l'actualité charrie son lot de catastrophes. Les images de guerres, de massacres, de dévastations envahissent les écrans et sont commentées dans les médias, mais ce flot de tragédies ininterrompu devient tellement habituel qu'il semble plutôt désormais endormir les consciences que les réveiller

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Chaque jour l'actualité charrie son lot de catastrophes. Les images de guerres, de massacres, de dévastations envahissent les écrans et sont commentées dans les médias, mais ce flot de tragédies ininterrompu devient tellement habituel qu'il semble plutôt désormais endormir les consciences que les réveiller. Commencerait-on à s'habituer ? Une certaine routine du tragique ne permet pas de sursaut salvateur.

Comme tous les conflits, la nouvelle guerre entamée par Israël contre l'Iran frappe majoritairement des civils innocents et elle permet à Netanyahu d'occulter le génocide et le nettoyage ethnique qui continuent à Gaza car le projecteur médiatique s'est déplacé, les images des bombardements iraniens et israéliens ont pris le pas sur tout le reste et font diversion. En outre, le faiseur de guerre perpétuelle bénéficie dans le cadre de son attaque contre l'Iran du soutien de nombreux dirigeants européens et se mue en grand défenseur de la civilisation occidentale. Pour certains commentateurs, deux mondes s'affrontent et la fracture compassionnelle est béante. Après les premières ripostes iraniennes, un journaliste en vue d'une chaîne d'information en continu a parlé du sentiment d'angoisse qui a saisi la population israélienne. En a-t-il jamais été question pour les Gazaouis, en est-il question pour les civils iraniens ? Les souffrances qu'endurent les Palestiniens pris au piège depuis des années et sous le feu continu de Tsahal depuis le 7 octobre, sont désormais une banalité.

La lassitude et l'habituation  pourraient-elles aussi finir par dominer face à la crise écologique ?

Ainsi, au Canada, les incendies de forêts sont particulièrement précoces et dévastateurs ce printemps : 3,5 millions d'hectares ont été détruits ce qui représente cinq fois la superficie du massif forestier aquitain de Dax à Bordeaux, de Casteljaloux à Mimizan . C'est une catastrophe écologique et humaine d'une ampleur phénoménale et pourtant elle est loin de faire la une des médias et de susciter une réaction à la hauteur de sa gravité.

Des associations, des militants, des citoyens, tentent de continuer d'alerter et de manifester

contre les guerres, contre le massacre de populations civiles, contre les projets écocides, contre toutes les formes de domination et d'exploitation. Mais ces mouvements de solidarité restent trop limités. Il faut bien reconnaître que les populations, dans leur grande majorité, demeurent passives, préoccupées avant tout par leur propre survie dans les pays pauvres -ce qui peut se comprendre- mais aussi par la poursuite de leur confort matériel dans ce qu'il est convenu d'appeler les pays développés, les pays riches. D'une façon générale, la réaction de la société civile n'est pas à la hauteur de la catastrophe humaine qui s'amplifie.

Une petite oligarchie planétaire s'affranchit des règles communes de l'humanité et par ses actions, son influence, son train de vie, en optant souvent pour la force et la violence, renforce la crise systémique à laquelle nous sommes confrontés. Dans beaucoup de pays, y compris dans des pays considérés comme des démocraties, des criminels sont au pouvoir. Seuls leurs intérêts comptent, au mépris de la vie humaine.

Il n'y aurait rien de pire que de considérer que tout cela est inexorable et pourtant c'est peut-être cette appréciation du cours des évènements qui est en train de prendre le dessus, comme s'il existait une fatalité, comme si notre destin était écrit par une caste supérieure sur laquelle nous n'aurions plus prise.

Une forme de fatalisme domine la société. Le repli sur soi, sur la cellule familiale, sur le petit groupe de proches est souvent évoqué pour décrire l'évolution de la société alors que nous n'avons jamais eu autant besoin de coopération, de solidarité et d'universel pour faire face à nos défis communs.

Un petit texte de Georges Bernanos écrit en 1936 est plus que jamais d'actualité : «  Je pense depuis longtemps déjà que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu l'indignation qu'éveille la cruauté, ni même les représailles et la vengeance qu'elle s'attire. . . mais la docilité, l'absence de responsabilité de l'homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. Les horreurs auxquelles nous avons assisté, les horreurs encore plus abominables auxquelles nous allons maintenant assister ne signalent pas que les rebelles, les insubordonnés, les réfractaires sont de plus en plus nombreux dans le monde, mais plutôt qu'il y a de plus en plus d'hommes obéissants et dociles »

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